Il y a près de 2 ans, en octobre 2015, j’interviewais Frédéric Lepron qui se préparait à partir pour un Africatrike de 18 mois à travers le continent africain en vélo couché à trois roues en solo et en autonomie, du Maroc à L’Afrique du Sud, soit 20 000km et 15 pays. Il est revenu en France il y a quelques mois, avec plein de belles choses à partager, et l’envie de repartir bien sûr. Frédéric nous en dit plus sur son parcours de senior-aventurier :
Depuis quand es-tu revenu ?
Je suis arrivé à Genève le 31/12/2016 , 15 jours à souffler chez une cousine à la montagne avant le tourbillon de la famille, les amis, les sollicitations, les obligations.
As-tu suivi ton planning au cours de ce périple, du début à la fin ?
Je n’ai pas entièrement suivi ni le parcours ni le planning. Je m’étais donné 18 mois pour ce périple n’ayant pas de référence de temps en trike. Finalement il m’a fallu 15 mois mais en prenant mon temps ce qui était mon plus grand luxe. Mon parcours a lui, été modifié au gré de mes envies, rencontres mais aussi pour des soucis administratifs ou de sécurité.
As-tu quelques anecdotes à nous raconter qui te soient arrivées au cours de ces 18 mois ? Des beaux moments ?
Forcement il y en a beaucoup et il est difficile d’en ressortir une en particulier mais plus que les anecdotes ce sont surtout les rencontres qui ont marqué ce périple. D’Ali et Faraji deux improbables pêcheurs Sahraoui avec qui on a partagé musique et poisson à Mohamed qui ne rêvait que d’Europe et qui est aujourd’hui marié et papa, en passant par cette inconnue Sénégalaise et notre étrange dialogue sur le terrorisme, une soirée Mojito à Accra, la découverte de la tradition de poésie du Ghana, les soeurs de Temnaoré qui en pleine brousse Burkinabé enseignent les règles du planning familial, une demande en mariage en 10 minutes à Nairobi, une balade en brousse avec Guitou guerrier Masai, le sourire de Chuki en Ouganda, un fermier Afrikaner en Namibie qui me demande où est mon arme, les femmes Hereros qui ouvrent leur bière avec les dents, bref une succession d’incroyables moments.
As-tu eu des galères ?
Cela tient peut être du miracle mais honnêtement je n’ai pas connu de grosses galères, pas de vol, pas d’agression, peu de soucis techniques. Au chapitre médical une attaque de taons, deux fièvres légères de 2 jours, un évanouissement qui m’a valu un nez cassé, une arcade ouverte et une légère commotion cérébrale mais je me suis débrouillé tout seul sans mal. Pas de crise de paludisme, pas de bilharziose et même pas une seule gastro, j’ai la aussi la chance d’avoir pour l’instant un système digestif àa tout épreuve.
Qu’est ce qui t’a le plus marqué ?
Ce qui m’a le plus marqué c’est la différence fondamentale entre nos sociétés et ce n’est pas la pauvreté pourtant très présente mais la possibilité du choix. Nous globalement nous avons bien souvent le choix de diriger nos vies, notre travail, notre lieu de résidence, nos voyages. La femme africaine qui marche a coté de moi chargée de bois ou d’eau n’a le plus souvent pas le choix. Chaque matin elle doit accomplir les taches qui vont permettre à sa famille de vivre.
Ce qui m’a le plus marqué c’est la différence fondamentale entre nos sociétés et ce n’est pas la pauvreté pourtant très présente mais la possibilité du choix
As-tu changé depuis ce tour d’Afrique ?
A 54 ans ce voyage ne m’a pas fondamentalement changé, il m’a renforcé dans mes convictions et mes futurs choix de vie mais j’en reviens surtout considérablement enrichi d’échanges, de découvertes, de partages.
Comment as-tu été accueilli dans tous ces pays ?
S’il y a bien une constance dans les 17 pays que j’ai traversés c’est la qualité de l’accueil, je ne compte plus les sourires qui m’ont accompagné et les gestes de sympathie. Je crois que le pire auquel j’ai du faire face c’est de l’indifférence et encore je ne m’en souviens pas.
Quel est celui qui t’a le plus séduit ?
Pour cette raison c’est difficile d’établir un classement, chaque pays pour des raisons diverses ma touché : l’âme du Maroc et de la Mauritanie, la culture Peul au Sénégal, les Touaregs et la musique au Mali, le caractère incroyablement joyeux des Burkinabés, la découverte de la poésie au Ghana, la simplicité du Togo, la culture Vaudou au Bénin, les gorilles en Ouganda, les hauts plateaux Kenyans, partager un moment de vie avec les Masaïs en Tanzanie, l’art de vivre en Zambie, les chutes Victoria au Zimbabwe, traverser seul une réserve au Botswana, les incroyables paysages de la Namibie et la diversité de l’Afrique du Sud. Mais si je ne dois en retenir qu’un ce serait le Malawi, une vraie découverte pour moi, et j’y ai vécu des moments d’une incroyable douceur au bord d’un lac fabuleux où la vie semble s’écouler sans heurt dans un pays qui est pourtant l’un des 3 plus pauvres au monde, une belle leçon de vie.
De quoi as-tu vécu sur place ? Quel était ton budget ? Où logeais-tu ?
J’ai organisé mon périple pour être en total autonomie. Tout d’abord financière en auto-finançant le périple sans vraiment de limite sauf celle de réaliser un rêve et ça n’a pas de prix. Autonomie ensuite dans mes déplacements donc la possibilité de bivouaquer n’importe où ce que j’ai fait à 50% pour le reste hôtel, lodge, guest house et chez l’habitant, autonomie pour l’eau (système de filtration et de traitement UV) et la nourriture (exclusivement locale, je peux tout manger avec plus ou moins de plaisir et cuisiner sur mon propre matériel).
J’ai organisé mon périple pour être en total autonomie
As-tu noué des liens avec certains habitants ?
Oui bien sur très souvent et même durablement puisque l’on reste en contact via Facebook ou WhatsApp.
Seul ce n’était pas trop dur ?
C’était LA question avant mon départ, non pas la solitude en tant que tel, elle ne me dérange pas et elle facilite le voyage intérieur. De toute façon on est rarement seul en Afrique. Mon inquiétude venait de la crainte de ne pas pouvoir partager au quotidien tout ce qui m’a été offert. C’est pourquoi j’ai fait le choix de beaucoup communiquer sur FaceBook et de réaliser des Chroniques diffusées chaque semaine sur TV Vendée et ma chaine YouTube. Le réseau internet et 3G est très développé en Afrique et je n’ai eu aucun mal à communiquer. Et puis l’éloignement peut aussi favoriser l’envie d’échanger avec ses proches, je n’ai jamais autant communiqué avec mes soeurs par exemple que durant ces 15 mois.
Le réseau internet et 3G est très développé en Afrique et je n’ai eu aucun mal à communiquer
As-tu eu peur parfois ? Failli renoncé et revenir plus tôt que prévu ?
Même pas peur ! non je plaisante mais sincèrement je n’ai jamais eu peur et je n’avais pas de raison d’en avoir. De la pression par moment mais jamais de peur sauf une fois sous la tente en pleine nuit du bruit et une ombre menaçante qui s’est avérée être une chèvre !!!
Honnêtement je n’ai eu qu’un seul moment de doute et c’était 15 jours avant le départ, la crainte de se lancer dans une aventure un peu folle sans aucune expérience du voyage à vélo. Sur place à aucun moment, pas une seule fois même dans les conditions les plus difficiles physiquement (chaleur, dénivelés, vent contraire) je ne me suis dit mais que fais tu là ? J’ai tout de même un secret, le but n’était pas à tout prix de traverser l’Afrique, de réaliser un quelconque exploit mais d’aller à la rencontre d’une Afrique, celle qui s’offrirait à moi. Dans ma tête je pouvais m’arrêter à tout moment et reprendre le cours de ma vie sans regret. Donc dans les moments difficiles je me disais: encore un mètre, encore un mètre sachant que le mètre suivant je pouvais m’arrêter là.
Si c’était à refaire, tu repars de suite ?
Aucun doute sur cette question, d’ailleurs j’en profite? si un entrepreneur veut financer mon prochain périple Nantes/Pekin aller retour par le sud puis le nord, 30.000 kms en 2 ans, je pars demain matin !
Le recommandes-tu à tous les seniors aventuriers dans l’âme ?
Je ne me définis pas comme un aventurier mais seulement un voyageur, il faut juste l’envie d’aller voir ailleurs, de partager, échanger. L’Afrique est une formidable terre d’accueil.
Il faut juste l’envie d’aller voir ailleurs, de partager, échanger
Avec quels conseils ?
Une bonne préparation, s’autoriser l’échec, anticiper et surtout avoir ce qui est pour moi la principale qualité pour ce genre de voyage: une grande capacité d’adaptation ! Aux difficultés physiques et techniques, au climat, à la culture, à la nourriture…
Que penses-tu de cet engouement ces dernières années pour ces périples au long cours ? Chose qui était rare “avant”. Que cherchent ils selon toi ?
Je crois que la recherche est très individuelle mais les gens que je croise aujourd’hui emploient souvent quand on évoque mon AfricaTrike la formule « Vous nous avez fait rêver » Je pense que la clé est là, énormément de gens ont besoin aujourd’hui d’autre chose, pas forcement de se lancer dans un tel périple mais avoir droit eux aussi à une part de rêve. Un rêve qui soit dit en passant est très Européen. Pour la majorité des gens rencontrés, mon AfricaTrike n’a aucun sens, ici un vélo n’est que très rarement objet de loisir. Et expliquer que vous avez vendu votre voiture pour acheter un vélo me vaudrait un billet direct pour l’hôpital psychiatrique s’il y en avait un !
Comment ta famille a t-elle vécu tes mois d’absence ?
C’est forcement particulier et il faudrait leur demander mais je crois qu’ils étaient un peu avec moi le long des routes africaines. Même ma maman (94 ans) depuis son compte FaceBook me disait « c’est bien je voyage avec toi”
Quels sont tes projets ? Repartir ?…
Comme je le disais plus haut j’envisage un AsiaTrike au printemps 2018 mais j’ai aussi un projet d’installation en Ouganda pour monter une agence de voyage éco solidaire mais forcement orientée baroud VTT, marche, pirogue, moto.