Actuellement, pour se démarquer, il faut devenir l’égérie de sa marque, l’incarner, la porter et la vivre pleinement afin d’être reconnu par son public et transformer sa communauté en clients. En règle générale, les gens aiment à se retrouver en leur modèle, à partager les moments clés de sa vie, ses espoirs, ses réussites, mais aussi ses échecs, ses rebondissements, ses erreurs, ses passages à vide, un peu comme ils le faisaient lorsqu’ils étaient adolescents avec leur star préférée. Passé 30 ans, certains continuent à suivre assidument la vie des acteurs de télé-réalité pendant que d’autres se passionnent pour Emmanuel Macron, Mark Zucherberg, Elon Musk ou d’autres entrepreneurs moins connus. Cibles différentes, mais même comportement pour les uns et les autres.
Une question se pose : est-il indispensable de partager sa vie dans les médias, un livre autobiographique, ses réseaux sociaux, son blog, des conférences et workshop pour être reconnu et faire de son entreprise un succès ? La société actuelle est devenue très narcissique : à grand renfort de selfies customisés, posts travaillés avec précision, vidéos Youtube scénarisées façon sitcom, chacun peut devenir une star dans son domaine. Alors qu’avant il fallait se battre et être meilleur que les autres pour passer à la TV et à la radio, le net a permis à chacun de devenir une célébrité. Idem pour les events, il y en a tellement, que n’importe qui, prêt à parler avec un micro dans les mains, devant une assemblée d’apprentis-entrepreneurs, peut être le people de la soirée en venant partager son expertise, son parcours ou son opinion sur un sujet d’actualité.
Qu’en est-il alors de celui ou celle qui n’a pas envie de cela ? Qui ne veut pas raconter sa vie sur Facebook, partager ses goûts musicaux, ses vacances, sa vie de famille, ses humeurs avec sa communauté, ni aller parler de son parcours professionnel, de ses accidents de vie, de son job out, de sa multipotentialité, ou de sa plus belle erreur dans des workshops, encore moins se dévoiler dans un livre autobiographique ou sur son blog. Parce qu’il estime qu’il n’a rien à apprendre aux autres en parlant de lui-même et que son entreprise, par ses services et produits qu’elle propose en dit beaucoup plus que son parcours personnel. On dit souvent qu’agir est la meilleurs preuve de qui on est vraiment, alors il ne devrait pas y avoir besoin d’en dire plus pour réussir.
Et pourtant, il suffit de regarder sur le net et dans les conférences pour voir que celles et ceux qui racontent leur vie (romancée évidemment) sont suivis par une forte communauté, alors qu’en regardant de façon approfondie, on ne sait que rarement ce qu’ils font comme véritable activité ou quelle est leur valeur ajoutée. Ils proposent généralement du coaching, de l’accompagnement, du conseil, à leurs disciples, qui sont devenus leurs meilleurs clients, espérant réussir comme eux à l’issue de la prestation certainement.
Peut-être s’agit-il simplement d’une forme de marketing de l’ego, reposant sur un business unipersonnel, visant à être suivi par des fans qui deviendront par la suite des clients, une fois que le travail de “manipulation mentale” aura fait son œuvre dans leur cerveau et qu’ils adhéreront pleinement à la vision de leur idole, qui les jugera alors aptes à entreprendre un travail avec lui-même. A prix d’or bien sûr, car travailler avec un tel gourou, cela se paye.
Il est vrai que ces dernières années, avec un chômage massif, des envies d’autres choses, une aversion croissante pour le monde de l’entreprise, nombreux sont ceux qui ont créé leur job, le plus souvent en tant que freelance dans des activités telles que “découvrez qui vous voulez être”, “osez créer le job de vos rêves” ou encore “assumez votre multiactivité”, surfant sur le mal-être de ceux qui se retrouvent sur le carreau après un burn out, un licenciement, une restructuration, une expatriation, etc… Pour se démarquer, parmi les millions de freelance proposant plus ou moins la même chose (changer de carrière, devenir soi, être heureux au travail), il faut partager sa propre expérience pour justifier son expertise, être visible sur le net et dans la vraie vie pour prendre une longueur d’avance, donner l’impression d’être proche de sa communauté et de comprendre ses angoisses qu’on a soi-même vécues et arriver ainsi à faire venir les clients à soi, sans leur avoir donné l’impression qu’on est venu les démarcher. Tout un art que seuls ceux qui savent manipuler les foules sont capables de mettre en place…
Mais, pour conclure, il suffit de regarder autour de soi les plus belles réussites entrepreneuriales pour réaliser que ce ne sont pas forcément celles qui ont le plus fait parler d’elles dans les médias. Parfois on ne sait même pas qui se cache derrière, ou bien on n’en connait que de maigres informations, et certainement rien sur la vie personnelle des fondateurs. On ne les voit pas s’épancher sur leur compte Facebook ou leur blog, ni aller raconter leurs échecs au salon des entrepreneurs, au mieux ils sont bénévoles chez 100 000 entrepreneurs ou d’autres associations, dont ils ne font jamais mention. Ce sont les produits ou services qu’ils proposent qui parlent pour eux, ainsi que leurs chiffres et résultats, sans qu’ils aient besoin de raconter tout le parcours qui les a mené là où ils sont aujourd’hui.
Il n’y a pas une seule façon de réussir, et si vous n’avez pas envie de parler de votre petite personne dans les médias, mais seulement de votre entreprise, c’est votre droit, ce n’est pas pour cela que vous irez dans le mur. A moins que vous soyez coach ou consultant et que votre business dépende uniquement de votre image personnelle, rien ne vous oblige à miser sur le marketing de l’ego pour accroitre votre chiffre d’affaire. De même pour les conférences, ne culpabilisez pas de refuser d’en être si vous n’avez pas l’âme d’un orateur chevronné. Ne vous inquiétez pas, il y a tellement d’entrepreneurs qui veulent parler d’eux-mêmes, que vous serez facilement remplacés. Ce ne sera pas toujours les meilleurs ou les plus intéressants, mais ils sont tellement heureux d’être sur le devant de la scène qu’on leur pardonnera…