Pour profiter de l’ascenseur social, il faut être né et vivre en région parisienne

Pour profiter de l'ascenseur social, il faut être né et vivre en région parisienne

Nous avons progressivement abîmé cet élitisme ouvert républicain qui permettait à chacune et chacun de progresser. Nous avons arrêté la mobilité sociale – Emmanuel Macron

Les débats sur la mobilité sociale intergénérationnelle sont particulièrement vifs en France. L’ascenseur social est-il en panne ? Fonctionne-t-il mieux à l’étranger ? Les travaux académiques montrent que même si le destin social des individus dépend toujours fortement de leur origine sociale, la mobilité sociale a plutôt augmenté au cours des dernières décennies. En comparaison internationale, la France se situe autour ou en dessous de la moyenne européenne. Mais malgré l’augmentation de la part des postes qualifiés, les ouvriers et employés représentent toujours plus de la moitié des actifs occupés en 2013.

Les chances d’ascension sociale des individus d’origine populaire (les enfants d’ouvriers et d’employés) varient du simple au double selon leur département de naissance. L’ascenseur social fonctionne bien dans certaines régions — Île-de-France, Bretagne, Midi-Pyrénées — et mal dans d’autres — Poitou-Charentes, Picardie, Nord-Pas-de-Calais.

L’augmentation de la mobilité sociale ces dernières décennies s’explique d’abord par un meilleur accès général à l’éducation. La transformation de la structure des emplois depuis les années 1970, où les classes moyennes et supérieures représentaient moins de 20 % des actifs contre plus de 40 % aujourd’hui, a également accru mécaniquement les chances de mobilité sociale des enfants des classes populaires. Ceux qui ont le plus profité de ce phénomène sont ceux qui ont eu accès à l’éducation, accès qui s’est lui-même élargi au cours de la période.

Pour les individus d’origine populaire, la mobilité sociale apparaît faiblement liée au dynamisme économique des territoires. Elle est en revanche fortement liée à l’éducation — en particulier à l’obtention d’un diplôme du supérieur.

La massification de l’enseignement secondaire puis supérieur a certes favorisé globalement la mobilité sociale qui a augmenté au cours des dernières décennies, mais sans faire disparaître les « trous noirs » de l’éducation et de la promotion sociale. Il ne s’agirait pas d’un problème de rendement de l’éducation mais plutôt d’accès à l’éducation. Or les inégalités territoriales d’accès au supérieur sont restées inchangées jusqu’à aujourd’hui. Augmenter les chances de mobilité sociale dans les territoires défavorisés suppose une démocratisation réelle de l’accès à l’enseignement supérieur là où celui-ci est le plus difficile.

L’Île-de-France apparaît comme la région championne de l’ascension sociale des classes populaires : plus de quatre enfants d’employé ou d’ouvrier sur dix y occupent une position de cadre ou de profession intermédiaire. C’est aussi de loin la région qui contribue le plus à la mobilité sociale ascendante en France : près de 20 % de l’ensemble des « promus » y sont nés. A contrario, les natifs d’Île-de-France qui résident dans une autre région ont des taux de mobilité sociale inférieurs à ceux qui y habitent toujours. C’est un cas unique : partout ailleurs, les individus ayant changé de région depuis leur naissance ont un taux de mobilité sociale de 10 points supérieur aux autres en moyenne. La Picardie est la région où les chances de mobilité sociale sont les plus faibles, ces vingt-cinq dernières années, les enfants des classes populaires ne semblent pas y avoir tiré profit de la proximité géographique de l’Île-de-France.

L’analyse économétrique montre qu’à niveau de diplôme donné le contexte économique local — mesuré par le niveau de PiB par habitant, la proportion de professions qualifiées dans la population active, le taux de croissance — a un effet positif mais limité sur la mobilité ascendante. Les opportunités économiques expliquent les taux particulièrement élevés de l’Île-de-France mais ne rendent compte que d’une faible part des écarts observés dans le reste du pays.

Plus qu’à l’environnement économique, les chances de mobilité ascendante sont fortement liées au niveau d’éducation, notamment à l’obtention d’un diplôme du supérieur. En ce qui concerne les variables liées à l’éducation, la taille de la population étudiante dans la région a un effet positif mais modéré sur la réussite scolaire et sociale. Cela incite à penser que les différences de taux de diplômes observées sont vraisemblablement produites en amont du supérieur. La forte immobilité géographique des enfants d’origine populaire contribue à renforcer l’immobilité sociale, surtout dans les zones à faibles opportunités. La mobilité vers les zones à fort développement — à commencer par l’Île-de-France — augmenterait certainement les opportunités des individus nés dans les autres régions.

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