Arbia Smiti est une entrepreneure dynamique et punchy, même dans la chaleur d’une journée d’août parisienne à plus de 30°C et des bureaux non climatisés. Fondatrice de Carnet de Mode, une market place de jeunes créateurs de mode internationaux, unique en son genre, elle participera au G20 des entrepreneurs en septembre à Istanbul “un formidable event pour networker, apporter son expérience et se plaindre de ce qui n’est pas logique dans notre société“.
Carnet de mode a été lancé en 2010 et était alors précurseur de la folie crowdfunding puisque le site proposait aux internautes de financer les pièces d’un jeune créateur. Malgré des créateurs de talent, le marché français n’était pourtant pas assez mature pour que des particuliers prennent le risque de miser sur un novice “le marché n’était pas encore évangélisé, comme peut l’être le crowdfunding aujourd’hui“.
En 2013, la startup a ainsi fait le choix de changer de business model -un pivot en langage startup- et de créer une market place sur laquelle sont vendues les collections des créateurs, avec toute une offre de services clés en mains pour ces derniers : marketing, paiement en ligne, internationalisation, technique, etc…
L’internationalisation est au cœur de Carnet de Mode “le talent est partout dans le monde, du fin fond du Liban à l’Argentine”. Au départ les créateurs étaient découverts à l’occasion de voyages, de recherches dans les ateliers et boutiques, grâce à des partenariats avec des salons tels que Who’s Next ou Bread and Butter “cela marchait très bien, car on était les premiers sur le secteur“, aujourd’hui, une équipe dédiée gère les demandes des créateurs du monde entier, une centaine par semaine et fonctionne par le bouche à oreilles entre les créateurs.
Justement les ressources humaines sont l’autre pilier de la startup, puisque Arbia accorde un soin particulier au recrutement des salariés, qui doivent être parfaitement bilingues anglais et connaitre sur le bout des doigts le marché sur lequel ils travailleront, des créateurs, aux médias, en passant par les blogs et les tendances de mode, mais aussi avoir une culture internationale forte. Ce sont pour la plupart des étudiants ou des expats qui s’installent en France. “Carnet de mode c’est un univers, un souffle, une histoire derrière chaque achat effectué sur le site“.
Carnet de mode casse les codes de la mode en mettant le savoir-faire des créateurs à la portée de tout le monde, à prix abordable
L’accent est mis sur les pays émergents, les BRIC, l’Asie, le Moyen Orient, l’Europe de l’est, sur lesquels on observe une montée de la classe moyenne qui souhaite de la mode de qualité sans pouvoir toutefois s’offrir du luxe. Aujourd’hui 70% du chiffre d’affaire de l’entreprise provient de l’étranger, puisque la plateforme est internationale : chacun, quelque soit son pays de résidence, peut acheter les pièces de tous les créateurs du monde entier proposés sur le site et sera livré de façon personnalisée par ce créateur. Carnet de Mode a d’ailleurs signé un accord avec UPS international pour proposer une procédure de transport ultra simplifiée, notamment pour les frais de douane. Les solutions de paiement sont aussi celles du pays de l’acheteur et pas seulement paypal. 300 créateurs ont aujourd’hui été sélectionnés “nous choisissons avec soin des créateurs qui peuvent devenir le Karl Lagerfeld de demain“. L’objectif étant d’atteindre 1000 créateurs fin 2016.
Nous voulons créer une intimité entre le créateur et l’acheteur
La plateforme a nécessité trois ans de développement, financé par une seconde levée de fonds auprès d’Elaia Partners, après celle de 2012 réalisée avec des serial-entrepreneurs qui ont aussi apporté leur expertise. Un troisième tour de table de 1 à 2,5 millions d’euros est prévu pour la fin de l’année, une somme qui permettra de financer le marketing, la publicité, le branding à l’étranger et mettre en place une “stratégie agressive d’acquisition de trafic“.
On peut fédérer les business angels tant qu’on peut miser sur des concepts innovants, en pariant sur les marchés du futur et pas en faisant des copycats
Quant à la vision d’Arbia sur l’entrepreneuriat en France, elle explique que “c’est difficile de convaincre quand on a un nouveau modèle, mais il faut se montrer passionné“, ne pas lâcher et ne pas hésiter à pivoter si besoin. C’est ce qu’elle expliquera au G20 d’ici quelques semaines, pour sa troisième participation, le seul endroit où on peut faire avancer les choses pour les entrepreneurs selon elle, puisque chaque action mise en place dans un pays membre est étudiée et peut être reproduite en France en s’affranchissant des difficultés.
Les politiques doivent arriver à des actions pour les entreprises car pour le moment ce sont seulement des paroles
“Nous les entrepreneurs pouvons apporter notre expérience aux politiques qui ne connaissent pas l’entreprise, des actions concrètes pour enfin passer à l’action et résoudre les problématiques de chômage, galères et difficultés” que traverse le pays ajoute t-elle. “Le G20 est donc une opportunité rare d’apporter ma voix au débat“.
“En France on a un problème culturel avec la réussite, pourtant le succès c’est bien, il fait avancer le pays , il doit donc être célébré” conclut Arbia surtout si les pouvoir publics veulent “sortir des générations d’entrepreneurs“, car “aujourd’hui l’écosystème français empêche de créer le Google de demain, malgré des profils brillants“.