Il y a 20 ans, Internet n’était qu’un rêve, une utopie, ou réservé à des privilégiés qui maitrisaient l’outil informatique. Comme Sébastien Ozanne, cofondateur de Club Internet “quand j’étais adolescent, j’avais deux rêves : aller vivre aux États-Unis et devenir entrepreneur”.
Quelques années plus tard, “un copain de promo, parti à San Francisco pour un voyage, est revenu en nous disant qu’il se passait un gros truc la-bas”. Ce « gros truc », c’était internet. Les américains commençaient à en parler dans certains milieux, notamment dans la Silicon Valley et pour les jeunes français qui avaient l’occasion de s’y rendre, l’envie de participer à ce bouleversement qui allait par la suite révolutionner nos vies, ne les quittait plus.
J’ai vu ce qui se passait dans la Silicon Valley, je voulais y participer moi aussi
A l’époque, encore étudiant en école d’ingénieurs, Sébastien et ses amis se font approcher par des investisseurs américains, mais lever des fonds étrangers n’est pas dans les mœurs de l’époque et ils préfèrent alors se rapprocher d’un grand groupe, Lagardère, pour bénéficier des moyens de développement de la firme. Aujourd’hui on parlerait d’intrapreneuriat, en songeant à Club Internet, qui a ainsi pu exploser grâce aux moyens du groupe. “A ce moment là, Club Internet se développant tellement bien, j’avais oublié les USA et l’entrepreneuriat dont je rêvais quelques années auparavant”. Mais voilà, les rêves enfouis ressurgissent toujours un jour où l’autre. Alors que Sébastien a cofondé l’opérateur de services internet Matra Grolier Network à partir de Club Internet, on est en pleine bulle Internet et celui-ci fait plusieurs allers-retours avec le continent américain. “Je commence alors à aller sur place rencontrer des gens, négocier des contrats“. On est en 1999/2000, en pleine bulle dotcom, c’est l’euphorie, tout semble possible, l’argent coule à flot. Lagardère a le nez fin et revend Club Internet a Deutsch Telekom ainsi que Matra Grolier Network a Prosodie. Mais en 2001 c’est l’éclatement de la bulle et tout s’effondre.
A ce moment là, Club Internet se développant tellement bien, j’avais oublié les USA et l’entrepreneuriat dont je rêvais quelques années auparavant
“Après l’éclatement de cette bulle internet, j’ai eu une opportunité professionnelle chez Prosodie en partant à San Francisco, j’ai fait des aller-retours avec la France pendant plusieurs mois, puis le 1er janvier 2003, j’ai pris un aller sans retour, j’y suis resté définitivement“. Pourtant à ce moment là, la plupart des français quittent le sol américain, après que leurs entreprises aient tout perdu dans la crise “j’étais le seul français à arriver dans la Silicon Valley”. Le fondateur de la firme Prosodie est un entrepreneur qui sait trouver des opportunités même quand tout s’effondre, “ce qui lui a permis de passer l’éclatement de la bulle sans trop de dommages“. Sébastien travaille alors sur de gros projets de développement de sites ecommerce pour des marques telles que Sephora et Louis Vuitton. Jusqu’en 2006, période à laquelle le fondateur décide de lâcher la main sur l’entreprise qui est reprise par LBO. C’est à ce moment là que Sébastien saisit sa chance et crée sa propre structure avec le soutien de son ancien patron qui prend 20% du capital de l’entreprise. Cette entreprise c’est eBrand Commerce, une solution de “délégation ecommerce pour les marques” qui ne sont pas encore sur le net et ont besoin de nombreux services pour se mettre à la vente en ligne.
J’étais le seul français à arriver dans la Silicon Valley
“Au démarrage, j’ai travaillé tout seul, en saisissant les opportunités de développement”, notamment toutes les marques de cosmétiques, vendues alors sur le site sephora.com qui voient dans le net une occasion de vendre directement à leurs clients sans passer par un intermédiaire. eBrand leurs propose une offre clés en mains de la réalisation du site ecommerce, à la logistique, en passant par le marketing et le service client.
Les marques ont réalisé qu’elles pouvaient vendre directement sur le net
10 ans plus tard et la démocratisation du ecommerce, les besoins des marques ont évolué et leurs demandes aussi. eBrand propose depuis, des offres à la carte selon la stratégie de développement envisagée “nous apportons une réponse globale, que ce soit aux marques françaises ou américaines, et ce quelque soit leur taille“. C’est ainsi que jusqu’à présent, eBrand travaillait exclusivement sous Magento, mais avec l’émergence de solutions concurrentes très dynamiques, Sébastien et ses équipes ont fait notamment le choix de faire appel à Shopify, qui offre de nombreuses fonctionnalités nécessaires au développement marketing des marques. Même si Shopify n’est pas encore au top sur tout, plusieurs sites ont déjà été développés avec succès, comme la marque américaine de cosmétiques DCL Skincare www.dclskincare.com et le nouveau site du designer mode japonais Tsumori Chisato http://fr.tsumorichisato.com et dans quelques jours une marque de maquillage. « Cela nous permet aujourd’hui de qualifier rapidement les demandes des clients et les orienter soit vers Magento, soit vers Shopify, soit d’autres solutions ».
Cette émergence de Shopify traduit une évolution impressionnante du ecommerce ces dernières années. D’une part il y a eu “de gros changements au niveau des plateformes, avec la supériorité de Magento qui s’effrite et l’arrivée de nouveaux acteurs américains canadiens, et même australiens, comme Big Commerce, qui se déploiera en Europe d’ici un an et demi“. Mais d’autre part sur le marketing où on assiste à “un recentrage des stratégies sur quelques canaux d’acquisition clients à forte puissance“. Des leaders sont en train d’émerger et c’est sur ceux-là que les marques se concentrent, comme elles l’ont fait auparavant avec les moteurs de recherche. Idem sur les réseaux sociaux, “Facebook, Snapchat,Whatsapp, et surtout Twitter et Pinterest avec leur bouton « Buy » sont en train de devenir incontournables”. “Instagram est aussi en train d’exploser, notamment pour les marques de maquillage que nous accompagnons“. Aujourd’hui “la puissance de l’image emporte“.
Aujourd’hui la puissance de l’image l’emporte sur les réseaux sociaux
Le ecommerce, qui est aussi révolutionné par Amazon, aujourd’hui devenu « une puissance énorme », mais qui étrangement “fait beaucoup plus de mal aux grosses chaines de distribution, telles que Sears, qui ont du fermer des centaines de magasins, qu’aux petits détaillants spécialisés“. Pourquoi de tels résultats alors qu’on parle sans cesse de mort de petits acteurs ? Parce qu’Amazon leur offre une vitrine mondiale de distribution tout simplement. Tous les petits ecommerçants peuvent y ouvrir une boutique et vendre dans le monde entier de façon simple, sécurisée, rapide. « Amazon dispose d’une puissance merchandising impressionnante, en tant que marchands, ce sont les plus forts » et rien ne semble plus pouvoir les arrêter. Alors que Uber a inventé une nouvelle économie, l’ubérisation, Amazon permet à des millions de personnes à travers le monde de créer sa propre activité de façon indépendante. Une révolution du monde du travail que les américains -habitués depuis toujours à cumuler plusieurs jobs – acceptent et s’emparent “tout le monde a son business aux USA“, mais que les français redoutent avec frayeur. Pourtant le monde change, le salariat massif est derrière nous, et chacun devra devenir acteur de sa vie professionnelle dorénavant, en ouvrant les yeux sur les opportunités offertes par cette nouvelle économie.
Même si Amazon peut faire du mal à l’emploi dans certains secteurs, aujourd’hui le géant du web permet aussi à des millions de gens de créer leur job