En occident, on associe bien souvent le continent Africain avec les mots pauvreté, sous-développement et corruption. De nombreuses ONGs et organismes de coopération international tentent en effet de soutenir le développement de ce continent.
Et si le meilleur moyen de soutenir l’Afrique n’était non pas de “l’aider”, mais de reconnaître sa juste valeur?
C’est le pari qu’a fait Konaté Daffa – une française d’origine malienne et sénégalaise qui à quitté l’industrie de la coopération internationale pour partir vivre à Istanbul. Elle a fondé Kelen, une organisation qui a pour objectif de mettre en relation des peintres africains et des espaces d’expositions à l’international – et ainsi ouvrir de nouvelles perspectives aux artistes tout en contribuant à changer l’image de l’Afrique.
Daffa nous en dit plus :
Daffa, peux-tu nous raconter ton parcours professionnel ? Pourquoi as-tu décidé de devenir entrepreneure ?
J’ai une expérience de plus de 10 ans dans le domaine de la coopération internationale. J’ai occupé successivement des postes de chargée de projets et de contrôleur de gestion. J’ai beaucoup aimé travailler dans ce domaine, même si j’ai pu constater les limites de ce système.
Jusqu’au jour où j’ai dû quitter mon poste pour m’installer à Istanbul, suite à l’expatriation de mon mari.
Ce changement de vie à été une vraie épreuve, et j’ai notamment dû très vite abandonner l’idée de retrouver un poste salarié ici. Pour autant, je ne me voyais pas rester sans rien faire, raison pour laquelle je me suis tournée vers l’entrepreneuriat.
J’ai eu la chance de rencontrer d’autres personnes dans mon cas grâce à l’organisation ViaPro, qui m’a aussi permis de me faire accompagner dans ce changement par Solène Pignet de Creators for Good.
Kelen, c’est quoi ? Quelle est ton ambition ?
Je souhaite contribuer à montrer l’Afrique sous une perspective différente, une Afrique riche, optimiste et belle !
Kelen est une organisation qui a pour objectif de mettre en relation des peintres africains et des espaces d’expositions à l’international – et ainsi soutenir les artistes et leurs communauté.
Pour cette première année d’activité, mon ambition est de promouvoir l’art Africain à Istanbul afin de mieux faire connaître la création Africaine. Au delà de la promotion d’artistes en tant que tels, je souhaite contribuer à montrer l’Afrique sous une perspective différente, une Afrique riche, optimiste et belle !
Pourquoi as-tu choisi de soutenir des artistes plutôt que des ONGs ?
J’ai travaillé pendant plusieurs années au sein d’ONGs, et j’avais envie d’être en lien plus direct avec des acteurs de développement. Selon moi, l’art est un facteur de développement.
Et c’est vrai que depuis que je mène ce projet, je rencontre des personnes exceptionnelles, passionnées par l’art et très conscientes de leur environnement politique, sociale, culturel….. Chacune de ses rencontres est une source d’inspiration pour approfondir le projet Kelen.
Pourquoi avoir choisi le nom « Kelen » ?
Kelen en bambara (langue du Mali) signifie « unité ». Je trouve qu’en ces temps difficiles, c’est un message d’unité qui trouve tout son sens.
Tu es expatriée en Turquie : quels sont les avantages (et inconvénients) que tu trouves à entreprendre depuis Istanbul ?
L’avantage est qu’étant novice dans l’univers de l’entrepreneuriat, j’apprends énormément, j’ai participé à plusieurs workshop très utiles. En fait je me dis que je n’ai rien à perdre et tout à gagner puisque ce que j’apprends et ce que j’entreprends est un plus, une nouvelle opportunité.
Ce que je trouve plus difficile en Turquie est de savoir vers qui et où obtenir de l’information notamment sur toutes les questions liées à la législation.
Comment comptes-tu assures-tu la rentabilité financière de Kelen ?
Mon ambition est de faire connaitre des artistes Africains et de faciliter la vente de leurs oeuvres – ce qui donne lieu à une commission à chaque vente et permettra à terme à Kelen d’être financièrement rentable.
Je m’inscrit dans une logique gagnant-gagnant – puisque la vente de leurs oeuvres à l’international est un vrai levier pour les artistes : cela multiplie les débouchés et les occasions de ventes, mais aussi fait monter la valeur de leur art.
Au delà des ventes d’oeuvres d’art, mon activité m’amène aussi à promouvoir l’art Africain dans des conférences et événements.
Je négocie aussi des partenariats sur le long-terme avec plusieurs galeries d’art – et j’ai pour projet d’organiser un événement culturel d’ici la fin 2016.
Quels sont tes 3 conseils pour celles et ceux qui souhaitent acheter de l’art africain contemporain?
- Quand on parle d’art Africain, on pense d’abord à l’art premier ou art primitif (bien qu’un peu péjoratif désormais) qui a meme son musée à Paris. L’art contemporain Africain est tout aussi riche, divers et permet de découvrir un nouvel univers de creation. Il permet également de favoriser un échange culturel.
- Acheter de l’art Africain est également un acte qui a du sens car je suis intimement persuadée que l’art et la culture sont des facteurs de développement.
- Depuis quelques années l’art contemporain occupe une place plus visible dans les grands événements artistiques internationaux et de ce fait cet art est désormais reconnu. Plus exposés, plus présents sur le marché de l’art, les artistes Africains font désormais l’objet de foires spécialisées (1:54 à Londres et New York, AKAA à Paris), de ventes et d’expositions à grand succès (à Paris, “Beauté Congo” à la Fondation Cartier en 2015, Seydou Keita au Grand-Palais en 2016)
Un mot de la fin ?
J’encourage toutes les personnes en expatriation ou autre à se lancer dans l’aventure de l’entrepreneuriat qui est une aventure passionnante. Pour ma part cette expatriation, tant sur le plan personnel que professionnel est synonyme de grands changements positifs dans ma vie.
Et si vous voulez apprendre à connaitre l’Afrique sous un autre angle, je vous invite à consulter ma page facebook Kelen ainsi que mon blog : medium.com/@artkelen
Crédit photo : Noémie Devaux