Le business des box fait rêver plus d’un entrepreneur : proposer un seul produit à la fois, des abonnés qui rachètent régulièrement et qui ont pour la plupart prépayé leur achat, une com’ cas d’école tellement elle parait facile, un engouement à chaque nouvelle box, pas de stock qui dort, un fort appétit des investisseurs, une logistique cadrée… Le paradis pour qui voudrait lancer un projet rentable, à faible investissement et faisant rentrer du cash rapidement. Si on regarde le nombre de box qui existent sur le marché, on pourrait presque parler de poule aux œufs d’or. Alors comment se lancer, et quels sont les erreurs à éviter pour réussir sur ce créneau ? Nous avons interrogé 3 fondateurs de box qui nous dévoilent leurs secrets pour atteindre le succès.
La (brève) petite histoire des box
La box par abonnement, c’est ce colis que tous les consommateurs ayant souscrit à l’offre reçoivent chaque mois dans leur boite aux lettres, avec une frénésie digne des pochettes surprises que nos parents achetaient à la boulangerie, il y a 30 ans. On grandit, mais on aime toujours les cadeaux, et comme on a dépassé le stade de l’argent de poche, on peut s’offrir le cadeau de ses rêves. Les box sont aujourd’hui déclinées sur tous les thèmes – beauté, thé, cuisine, rasage, animaux, jeux pour enfants, loisirs créatifs, vin, aucun secteur n’est épargné par le phénomène. Alors que le business est apparu en 2010 à New York avec Birchbox, un coffret surprise beauté créé par Hayley Bena et Katia Beauchamp, c’est ensuite Joliebox qui est devenu le pionnier en France. Depuis la box beauté française a fusionné avec sa grande sœur américaine et reste la référence sur le secteur de la box beauté pour toutes les fashionistas. Une belle réussite, alors qu’en général, 7 startups sur 10 ne franchissent pas le cap de la 3ème année d’existence. Un succès du au marketing qui entoure la box, allant souvent bien au delà des produits proposés. La marque a aussi ouvert un concept store dans le quartier branché de Soho à New York, et propose les produits de beauté de ses partenaires sur son e-shop.
Une mise de départ (presque) à la portée de tous
S’il y bien un point commun entre tous les fondateurs de box, c’est qu’ils ont démarré avec leurs propres économies et une forte passion pour les produits proposés “Kitchen Trotter a été créée fin 2012 par 3 amis, Aicha, Kenza et Pierre, tous passionnés par le fooding et le voyage” explique Aicha, ajoutant “on a commencé l’aventure avec nos petites économies de jeunes actifs soit moins de 20000€ et toute notre énergie“. Une étape partagée par Marion Vigot, créatrice de Ma Belle Box, une box beauté lancée au Vietnam où elle est expatriée “le concept de box n’existait pas ici, j’ai décidé de le lancer dans un domaine qui me passionne : les produits de beauté. Pour le lancer j’ai pris mes économies et me suis mise à être multi-taches – identité visuel, graphisme, communication, marketing, stratégie de lancement, réseaux sociaux – J’ai utilisé mon expertise dans le digital, et appris sur le tas“. Les fonds propres sont donc nécessaires. Même si quelques milliers d’euros peuvent sembler peu, il faut les avoir de côté pour tenir la distance, le temps que la box soit sur le marché et fasse parler d’elle.
Car il ne suffit pas d’avoir une idée, il faut trouver et convaincre les fournisseurs, qui pour certains ne connaissent pas ou sont contre l’idée, créer une belle boite qui fera la différence dès l’ouverture du colis et ne pas hésiter à carrément créer un véritable magazine papier qui accompagnera les produits. Sans oublier les goodies qui sont le petit plus des box. Et pas questions d’y mettre un produit de grande consommation. “Les premiers investissements étaient consacrés à la mise en place de l’activité : la construction d’un site internet, l’achat des matières” raconte Aicha.
Se faire connaitre : l’importance des réseaux sociaux et des bloggeurs
Une fois la box lancée, comme dans tout business, il faut se faire connaitre. Créer un site et une page Facebook ne suffit pas à faire venir les clients. C’est une remarque basique, mais il y a encore tellement d’entrepreneurs qui y croient… “Nous avons très rapidement commencé à investir en communication” pour faire connaitre Kitchen Trotter en mettant en place “des campagnes d’acquisition payante et une présence renforcée sur tous les réseaux sociaux stratégiques” explique Aicha. Quant à Nicolas Gueugnier, fondateur de Big Moustache, une box de rasage, il a misé sur “un positionnement disruptif et une communication décalée” sur un marché déjà concurrentiel.
Les réseaux sociaux apparaissent comme le canal numéro 1 pour la viralité “nous misons essentiellement sur les réseaux sociaux et les bloggueuses qui nous suivent et nous supportent depuis le début“, explique Marion.”Les réseaux sociaux sont très importants puisqu’ils nous permettent de prendre la parole et de toucher des communautés larges et facilement. Ces réseaux nous permettent aussi d’intercepter des conversations” ajoute Nicolas. Une nouvelle façon de faire des relations presse en sélectionnant les influenceurs qui parlent régulièrement des box ou de sa thématique, sans avoir à passer par une agence de communication. Au Vietnam aussi, Facebook est un canal privilégié pour faire parler de sa box “ceux qui marchent moins bien ici sont Twitter (bloqué au Vietnam) et Pinterest, à mon plus grand regret“. Aicha parle même de “nouvel eldorado pour les e-commerçants” sur lequel il faut “tous les jours apprendre les différentes astuces liés à ce canal“, notamment Facebook qui évolue régulièrement.
Les bloggeurs qui sont souvent pointés du doigt pour leurs postes sponsorisés ou leur narcissisme, sont aujourd’hui partie intégrante d’une stratégie marketing digitale gagnante quoi qu’en disent les détracteurs “Les blogueurs sont des influenceurs importants pour nous, ils nous permettent de faire connaître le service et les produits et de cautionner la qualité” explique Nicolas. Leur pouvoir sur leurs followers est nettement supérieur à un magazine féminin, mode ou lifestyle. Ils sont devenus les prescripteurs de tendance et lorsqu’on lance une box, impossible de faire l’impasse. “Le service étant nouveau, il est important d’avoir de la réassurance sur la qualité des produits et du service et il nous faut de la place pour expliquer ou faire expliquer par un influenceur notre concept” ajoute Nicolas. Les avis et recommandations sont hyper importants, en témoignent les posts et videos des bloggeuses qui détaillent dans leurs moindres détails chaque box reçue… A contrario, “Des offres trop commerciales fonctionnent moins bien“. La qualité avant tout.
Tous les secteurs ont il été touchés par les box ?
“Tous les secteurs ne sont pas adaptés à l’e-commerce par abonnement mais tout dépend de la stratégie adoptée pour porter le produit et le présenter” selon Aicha. Et même si “le marché commence a être saturé“, c’est “l’offre et le marketing qui font souvent la différence” ajoute t-elle, alors que Kitchen Trotter “est un business rentable” malgré un positionnement sur un marché très concurrentiel. Nicolas va encore plus loin en affirmant que “tous les services d’abonnement liés à des produits de consommation courante et non de découverte ont encore beaucoup d’avenir. Le marché n’est pas digitalisé sur la plupart de ces produits récurrents“. Il y aurait donc encore un bel avenir pour le marché des box. Encore plus à l’étranger, comme au Vietnam, où est installée Marion “le e-commerce est en plein développement au Vietnam ! Peu de gens ont une carte de crédit qui fonctionne en ligne mais le marché se développe vite, et le monde de l’IT aussi. Il y a un gros potentiel qui se fait sentir dans le milieu startup en Asie du Sud Est“. D’ailleurs, en France, Marion n’aurait jamais pu lancer Ma Belle Box “j’ai « la chance » (c’est aussi mon plus grand challenge) d’avoir lancé le concept au Vietnam, où le prix de la vie est 10 fois moins cher qu’en France. Cela joue beaucoup ! Idem sur les salaires et la production. Je n’aurais, je pense, jamais eu les moyens de me lancer seule en France” ajoutant que “le milieu des box est encore très nouveau pour le Vietnam, tous secteurs confondus“, laissant la place à de futurs concurrents !
Certains sites se diversifient en proposant une offre ecommerce en parallèle, mais nos témoins n’en sont pas encore là “la diversification dépendra du choix et de la vision de la marque/entreprise” explique Aicha. “Il y a beaucoup de possibilités de développement pour un concept de box, il faut en profiter ! Le business model est facilement modulable” ajoute Marion qui n’exclue pas de faire évoluer son concept, même si le ecommerce lui semble un tout autre métier “on pourrait croire que c’est simple de vendre des produits de beauté en ligne, en plus de la box, mais cela demande une équipe dédiée, et des connaissances dans le métier” qui sont bien éloignés du business des box. De plus “la récurrence est rentable. Le fait de ne pas avoir de travail à faire sur le contenu fait que nous sommes concentrés sur l’acquisition client” explique Nicolas, qui ajoute “la diversification est un relais de croissance mais pas pour compenser une non-rentabilité” de la box.
La logistique et le service client
Chez Kitchen Trotter “la logistique a été depuis le début sous-traitée car il s’agit d’une activité qui nous aurait demandé beaucoup d’énergie pour peu de plus-value“. Idem pour Big Moustache où “la logistique est externalisée dans une entreprise sociale qui embauche des personnes en réinsertion” afin de se concentrer le service clients. Un SAV géré à tour de rôle afin que “chacun garde un contact avec les utilisateurs des produits” au sein de l’équipe. “Pour le service clients, comme dans notre stratégie marketing, nous choisissions d’être au plus près de nos clients et d’offrir un service qualitatif, ça reste géré en interne par une équipe dédiée” explique Aicha. Le service client est la base d’un business de box par abonnement afin que chaque client ait l’envie de poursuivre le plus longtemps possible, qu’il ne soit pas déçu et ne se lasse pas, le fléau de bon nombres entreprises sur ce secteur… Il faut se réinventer encore plus que dans le retail classique où l’envie et le plaisir priment sur le besoin. “C’est très important pour nous d’avoir un lien direct avec nos clients, afin de nous améliorer et de recevoir leur feedback” complète Marion, qui a elle aussi fait le choix d’externaliser les envois depuis le lancement de Ma Belle Box.
Le business des box a donc encore de beaux jours si on en croit Aicha, Nicolas et Marion. Tous les secteurs n’ont pas été explorés et plus que le thème de la box, ce sont le marketing et le lien privilégié avec le client qui font la différence. Le budget de lancement est assez faible comparé à d’autres domaines et permet avec pas mal de créativité et de dynamisme de faire rapidement la différence, pour réussir. Mais attention, il ne faut pas croire pour autant que ce business est à la portée de tous, car les clients sont très volatiles et n’hésitent à faire savoir leur déception sur les réseaux sociaux et les blogs. Il faut se renouveler en permanence, être original, faire la différence, avoir une longueur d’avance sur les petits nouveaux qui entrent régulièrement sur le marché, notamment avec “avec une offre simplifiée, de qualité et un angle disruptif” comme l’explique Nicolas.