La mode aujourd’hui c’est d’être entrepreneur. Malheur à vous, si vous ne l’êtes pas, n’en n’avez pas l’envie et vous sentez bien en tant que salarié. Vous ne voulez pas changer le monde avec votre startup et ça, c’est mal. Vous n’êtes pas dans le coup, pas tendance, vous voyez petit, vous n’avez pas d’ambition, vous n’avez pas l’âme d’un chef d’entreprise. Pourtant si vous faites partie de la génération Y ou Z vous devriez avoir un esprit entrepreneurial, toutes les enquêtes et études le disent ! C’est même vous, et vos amis qui l’affirmer dans les médias. Alors quoi, vous voulez être la brebis égarée du troupeau ? Vous voulez faire démentir les sondages sur la jeune génération qui veut tout bousculer et faire bouger les lignes ? Bref, vous voulez casser un mythe, une fable qui alimente en nombre impressionnant tous les magazines qui n’ont de cesse d’aller à la rencontre de ces jeunes startupers, qui ne se reconnaissaient pas dans le monde de l’entreprise, qui ont préféré voyager pendant un an à travers le monde pour chercher un sens à leur vie et une idée de projet à lancer à leur retour. En fait, vous voulez briser l’ambiance d’euphorie qui règne depuis quelques années autour de l’entrepreneuriat.
Ce qui, avouez-le, vous fait culpabiliser. Vous vous rendez compte que vous êtes différents, que vous n’avez jamais rêvé de posséder votre propre entreprise, de révolutionner un marché ou transformer un mode de consommation, ni même avoir des employés. Vous n’avez même jamais eu d’idée à lancer, et pire que tout, vous aimez travailler dans un grand groupe ou une PME, même si ce n’est pas rose tous les jours. Vous appréciez d’avoir un salaire tous les mois qui tombe sans avoir à harceler votre boss, comme vos amis freelance, vous n’avez pas non plus à vous demander chaque matin comment vous allez gagner votre vie, payer vos factures et vous offrir des vacances l’été prochain. Vous avez d’ailleurs 5 semaines de congés payés, où vous pouvez déconnecter totalement ou presque. Vous vous entendez bien avec vos collègues, vous ne rêvez pas en secret de prendre la place de votre patron, vous aimez le travail en équipe, avoir du budget pour vos projets, vous consacrer à votre job et pas à toute une multitude de tâches inintéressantes, échanger entre services, avoir un emploi du temps plus ou moins régulier, ne penser à rien en rentrant chez vous le soir, etc…
Si vous étiez entrepreneur, vous devriez bien sûr renoncer à tout cela. Certes vous avez la liberté, comme on l’entend dire souvent, mais d’une part le sentiment de liberté est différent d’une personne à une autre et, d’autre part, même si vous n’aurez plus de patron, ni d’horaires, vous devrez tout faire, de A à Z dans l’entreprise, sans personne sur qui vous reposer ou pour vous accompagner dans votre quotidien. La vie de l’entrepreneur est très solitaire, il n’y a personne (ou parfois un associé) avec qui parler de ses doutes, ses ennuis, ou même raconter son week-end. Les pauses cafés se font sur Facebook, chaque temps libre devra être rattrapé la nuit ou le week-end et pire vous penserez tout le temps à votre entreprise. Votre cerveau ne sera plus jamais en repos, vous devrez dédier votre vie entière à votre activité entrepreneuriale. Ceux qui vous disent qu’ils savent faire la part des choses, bien cloisonner leur vie pro et perso, sont soit des génies, soit ils bluffent, soit ils ne font pas de chiffre d’affaire.
Être entrepreneur, ou être salarié, cela ne devrait pas être une mode et personne ne devrait culpabiliser ou se sentir inférieur, parce qu’il n’a pas envie de créer sa boite, de même qu’être incapable de devenir salarié n’est pas une tare. Chacun est différent, et ne doit pas suivre la tendance du moment, juste parce que les médias martèlent que tous les jeunes prennent leur destin en mains, n’ont plus peur du chômage, et sont prêts à tout pour changer le monde. Déjà, c’est faux. Ce n’est pas cette génération Y ou X qui est ainsi, c’est une certaine partie des jeunes de moins de 30 ans, ceux qui ont accès aux grandes écoles, une famille qui les a bien entourés tout au long de leur vie, qui font partie des élites ou au pire de la classe moyenne. Il suffit d’aller en parler autour de soi, pour réaliser que bon nombre de jeunes en BTS ou à la fac sont inquiets quant à leur avenir, n’ont aucune envie de créer leur startup, mais aimeraient avoir un job pas trop mal payé pour partir de chez leurs parents, prendre leur envol et créer leur vie. Mais ceux-là personne n’en parle car ce n’est pas vendeur. D’autre part, vouloir tout casser, chez les jeunes ce n’est pas nouveau, leurs parents et leurs grand-parents ont fait pareil, que ce soit en mai 68, dans les années hippies et féministes, ou lors des grandes grèves de 95. C’est normal à 20 ans, on croit tout mieux savoir que les vieux, et on pense que nous, on ne vivra pas une vie terne et ennuyeuse comme nos parents. Retournez voir ces jeunes à 30 ou 40 ans et vous verrez que comme vous, ils ont mis leur idéalisme et leur utopisme de côté une fois qu’ils se sont mis en couple, ont eu des enfants et contracté un crédit immobilier. C’est la vie, c’est ainsi, il n’y a rien de blâmable. On évolue, on prend de la maturité au fer et à mesure de ses responsabilités. Certes, une poignée d’entre eux continuera à s’engager dans des mouvements de résistance, à vivre dans la sobriété loin de l’hyper-consommation, entrera en politique, ou créera une nouvelle boite, mais ce ne sera pas la majorité. Comme nous aujourd’hui.
Alors, arrêtons de penser qu’il faut absolument devenir entrepreneur pour s’accomplir dans la vie. C’est une mode, cela fait oublier le chômage, les stages, les services civiques, les alternances que les jeunes subissent aujourd’hui, mais il n’y a aucune raison de culpabiliser de ne pas créer votre startup si vous n’en n’avez pas l’envie et si vous préférez être salarié. C’est votre vie, elle n’appartient qu’à vous et personne n’a à vous juger, ni à se sentir supérieur (les entrepreneurs ont tendance à se juger au-dessus de ceux qui n’ont pas franchi le cap, c’est un fait…). Chacun fait ses choix de carrière en fonction de ses priorités, ses valeurs, le chemin qu’il souhaite parcourir et fort heureusement personne n’a envie de suivre le même parcours ! Et puis, au moins vous, pendant que vos potes seront en galère au RSA pendant 3 ans, le temps que leur boite se développe, vous pourrez vous offrir des mojitos, des week-ends et des Louboutin 🙂