D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été attirée par l’étranger. Petite déjà, je parcourais l’Atlas avec mon grand-père paternel, grand voyageur et lecteur compulsif. Je pointais mon doigt sur la carte et lui posais ensuite, tout un tas de questions sur le pays choisi par le plus pur des hasards. Ce désir fou de voir le monde ne m’a jamais quitté.
À 10 ans et à la stupéfaction de mes parents, je partais seule dans une famille pour découvrir la région des Cotswolds et vivre pendant 1 mois à la mode anglaise. Après des études en relations internationales, je suis partie travailler en Roumanie et plus précisément à Iasi, une ville située non loin de la frontière de la République de Moldavie. Je n’ai pas immédiatement aimé ce pays qui me semblait froid, rude, désorganisé au possible. Puis, je suis tombée amoureuse des Carpates orientales. J’ai appris à en aimer sa rudesse, ses menues anachronismes pour in fine m’attacher profondément à ses habitants.
Ce désir fou de voir le monde ne m’a jamais quitté
Puis, ce fut la rencontre avec le Québec. Que dire, si ce n’est que cela a été un immense coup de foudre. J’ai immédiatement aimé la chaleur humaine des québécois, leur sens inné du service, leur accent, leur façon de faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux. Cette province du Canada m’a permis de prendre conscience de mon attachement à la langue française. Auparavant, je ne m’étais jamais interrogée sur ma francité, mon rapport à la langue, à la culture française et plus largement aux cultures francophones. Grâce à des personnes formidables, j’ai réalisé que la langue française était pleine de relief, qu’elle était diverse, variée et vivante aux 4 coins des Amériques.
Pendant 4 ans, j’ai été à l’affût de toutes les nouveautés et nouvelles opportunités. Et puis, un jour, j’ai réalisé que j’avais fait le tour de cette région et que j’avais des envies d’ailleurs. Relever de nouveaux challenges devenait vital. Malgré ce que j’entendais au loin sur mon pays, j’ai décidé en toute connaissance de cause de rentrer à la maison. Le retour en France a été une sacrée épreuve ! Je ne me sentais justement pas ou plus chez moi. J’ai coutume de dire que j’ai longtemps souffert de « pollutions auditives », je parle de toutes ces petites phrases typiquement françaises assénées de manière automatique et presque systématique dont parle si bien Philippe Bloch dans son excellent ouvrage : « Ne me dites plus jamais bon courage ! ». Je ne me sentais plus à ma place ou pour le dire autrement, je me demandais quelle pouvait bien être ma place dans un pays qui avait la plus grande difficulté à reconnaître la richesse de mon parcours et à me faire confiance. Je me sentais en décalage permanent avec mon entourage proche et mes interlocuteurs comme si nous vivions chacun dans des espaces spatio-temporels différents. La nécessité d’avoir à justifier de mon parcours, de l’expliciter pour lever d’éventuels freins ou inquiétudes me fatiguait et soyons honnête m’exaspérait au plus haut point.
Le retour en France a été une sacrée épreuve ! Je ne me sentais justement pas ou plus chez moi
J’ai rapidement pris conscience que je ne pourrai pas exercer les mêmes activités que celles exercées au Québec. Alors, que faire ? De nombreuses questions ont commencé à émerger. Pourquoi suis-je faite ? Quel est le sens de mes actions ? En quoi ce que je fais a un impact positif sur mon environnement? Et si, je m’étais trompée en rentrant en France ? Aujourd’hui, même si j’ai encore parfois le sentiment d’être un agent double, j’ai cessé de regarder dans le rétroviseur et de faire comme si j’étais de passage. Je ne suis pas de passage, je vis et travaille à Paris. Est-ce que j’y resterai ? Et si oui, combien de temps ? Je n’ai pas la réponse à ces questions, mais ce dont je suis certaine, c’est que repartir n’est pas la solution miracle ni le remède à tous mes maux. Je dois continuer à être proactive, à m’interroger comme je le fais sur le sens à donner à ma vie, à rencontrer un maximum de personnalités inspirantes et inspirées pour enfin créer le job de mes rêves, celui pour lequel je suis faite et qui me procurera des plaisirs fous.
Je ne suis plus la même personne que j’étais il y a cinq ou dix ans, je suis autre. Et, c’est bien cette autre personne que j’essaye depuis deux ans de découvrir, d’apprivoiser pour espérer en révéler la substantifique moelle. Partir est facile, revenir et rester est beaucoup plus dur car on peut toujours trouver de multiples raisons de se plaindre de son sort et d’expliquer le désamour qui nous lie avec notre pays d’origine.
On peut toujours trouver de multiples raisons de se plaindre de son sort et d’expliquer le désamour qui nous lie avec notre pays d’origine
L’expatriation a cela d’extraordinaire qu’elle nous permet avec le temps, de développer une certaine intelligence émotionnelle et une capacité à faire le bilan calmement avec la plus grande sincérité et clairvoyance.
Pour reprendre les mots des auteurs du livre : « Créez le job de vos rêves… Et la vie qui va avec », je suis pressée, mais pas stressée ! Le bonheur n’est pas inné, il se construit et c’est ça que j’ai enfin compris en grandissant à moins que ce ne soit en mûrissant.