Les français sont peut-être des champions de la création d’entreprises, mais qu’en est-il de la croissance de ces entreprises ? Actuellement environ 550 000 entreprises sont créées chaque année, dont près de la moitié en auto-entrepreneur, ce qui signifie que la plupart des créations ne donne pas naissance à des entreprises mais à un auto-emploi, dans un pays qui ne sait plus comment faire baisser le taux de chômage depuis 8 ans. Évidemment, c’est bien, il faut savoir se prendre en mains, ne pas attendre un retour à l’emploi que le gouvernement nous promet depuis son élection et faire bouger les lignes de sa vie soi-même pour éviter de sombrer. Le problème qui se pose, est donc bien au-delà de la création de son emploi ou de sa petite entreprise. Il s’agit bel et bien de la suite : comment grandir et durer.
Il ne suffit pas simplement de se déclarer à la Chambre de Commerce, pour s’improviser entrepreneur. Car entrepreneur, c’est bien, mais encore faut-il gagner sa vie. A moins que vous n’ayez gagné au loto, ou hérité d’une villa à l’Île Maurice, vous avez tous un loyer à payer, des courses à faire et comme tout être humain, vous aimez vous faire plaisir. Et ça, si vous n’avez pas de clients, vous êtes dans la même situation du chômeur arrivé en fin de droit. Quoique, il a peut-être même plus d’aides sociales que vous, qui êtes devenu un (riche) patron aux yeux de l’administration.
Alors comment devient-on un commercial qui saura plus facilement démarcher des entreprises pour trouver des contrats que dénicher un CDI ?… Mystère… Mais si on en croit la littérature sur le sujet des freelance-bisounours, c’est hyper facile, il suffit de s’inscrire sur une plateforme, créer une page Facebook, avoir un blog et aller dans des soirées networking pour se faire connaitre et surtout partager sa passion et son amour de son activité pour signer des contrats.
DES contrats bien sûr, parce qu’avec un seul, une fois payés les charges sociales, vos fournitures, vos frais de déplacement, etc… Il ne restera pas grand chose pour vivre à la fin du mois. Vous pourrez bien sûr toujours sous-louer sans le déclarer, votre salon à des coworkers en journée et des touristes australiens la nuit, mais vous risquez de vite vous lasser de cette économie collaborative qui, poussée à haute dose aurait tendance à manger notre espace vital dont nous avions tant rêvé alors que nous étions encore ado…
Vous pouvez aussi lever des fonds, il y aurait des centaines de millions d’euros disponibles auprès des fonds et des business angels. Il n’y a qu’à demander (pitcher) pour obtenir sa part du butin. Il vous suffit de développer un Produit Minimum Viable, selon la méthode Lean Startup, faire un beau power point, une vidéo racontant votre parcours et votre folle envie de devenir le prochain Elon Musk, accepter de laisser 30 ou 40% de votre boite à des inconnus et le tour est joué. Ou presque. Parce qu’apparemment, en 2016, tout va changer. Ici et là on commence à voir des gens qui ouvrent les yeux et se disent “on n’aurait pas donné un peu trop d’argent à des startups sans avenir ?…” Et puis le pétrole chute, la bourse va mal, la Chine pleure et on réalise que le plein emploi des USA n’est pas si plein que cela… Donc ça fait mal et on craint qu’une nouvelle bulle arrive. VRAIMENT cette fois-ci. La bonne nouvelle c’est que lorsqu’on craint quelque chose, cela n’arrive généralement pas. Mais dans un an ou deux lorsque tout le monde se dira “fausse alerte”, là ça risque de faire mal.
Alors que faire ? Apprendre à vendre votre produit, qui doit être réellement utile pour les futurs clients. C’est simple dit comme cela, mais pas tant que cela dans les faits. D’une part ce n’est pas parce que vous avez identifié un besoin ou un service manquant dans votre quotidien que les autres l’ont perçu aussi. Tout le monde n’est pas Blablacar, et surtout, qui est prêt à galérer pendant 10 ans pour enfin émerger ?… Ensuite les choses utiles sont en nombre excessif : pensez aux coachs d’entrepreneurs, il y en a des tonnes, sans oublier tous les graphistes, community manager, RP, rédacteurs, etc… qui proposent leurs services à d’autres entrepreneurs qui n’ont pas les moyens de les rémunérer à leur juste valeur car eux-mêmes ne savent pas trouver de clients. Un cercle vicieux où chacun évolue dans le même microcosme, sans sortir des sentiers battus ni aller au delà de sa zone de confort. Une zone où personne n’a appris à être commercial, la base de toute entreprise, sans quoi elle n’existe pas.
Bidouiller un produit ou une offre de services dans son coin et aller faire la tournée des fonds d’investissements ou de ses potes, ce n’est pas simplement cela être entrepreneur. C’est une étape qu’il faudra bien vite dépasser si vous voulez que votre entreprise tienne sur la durée et ne rejoigne pas la cimetière des liquidations au bout de quelques années à manger des pâtes tous les soirs. Créer son emploi ou son entreprise, c’est bien, mais il faut penser à l’étape d’après, celle de la croissance qui permettra de grandir, faire des projets, innover, créer des emplois, payer des impôts, participer à l’effort collectif et faire réellement rayonner la France au delà de ses frontières. Plus qu’en allant proposer des prototypes sur tous les salons mondiaux autour d’Emmanuel Macron et Axelle Lemaire.
Certes, tout le monde n’a pas envie ou les capacités de faire cela, et beaucoup ne sont devenus entrepreneurs que par obligation ou besoin de liberté, sans avoir le rêve de tout casser et c’est louable. Mais arrêtons de dire que la France est une nation d’entrepreneurs alors qu’on en est seulement à l’ère de la création, sans aucune certitude que cette vague persistera ces prochaines années. Soyons fiers que chacun tente sa chance, se prenne en mains et décide de sa vie, au lieu d’attendre une réponse de l’État, comme c’était le cas avant, mais ouvrons les yeux sur la réalité : combien seront encore là dans quelques années ? On en reparle dans 3 à 5 ans.