De plus en plus quand on parle entrepreneuriat, on pense tout de suite aux startups, comme s’il n’y avait qu’un seul type d’entreprise à créer, celles tournées vers l’innovation technologique, qui ne rêvent que de lever des fonds, de créer une communauté, de faire parler d’elles dans les médias et de prêcher la bonne parole du startuper dans des conférences à destination de ceux qui n’ont pas encore oser franchir le cap.
Pourtant une startup, ce n’est qu’un type d’entreprise parmi d’autres : celle qui débute et devrait produire une forte croissance rapidement. Ce n’est pas “l’entrepreneuriat” en son ensemble, car les startups, malgré leur grande présence dans les médias ne représentent que quelques milliers de créations d’entreprises chaque année sur les 500/550 000 nouvelles immatriculations en France. La plupart sont d’ailleurs des auto-entreprises, ou plus précisément des free lance, créant leur propre job. En dehors de ces chiffres, ce sont des entreprises qui naissent dans la vraie vie, avec un vrai produit à vendre, un espace en dur pour rassembler des vrais gens, un service réel qui répond à un vrai besoin. Bien loin des échanges virtuels qui ne passeront jamais le cap du rendez-vous, des applications mobiles inutiles, du énième site de food delivery ou de l’agence web marketing qui veut “aider” ces entreprises qui ne comprennent rien aux réseaux sociaux à gérer leur communauté Facebook.
Ces entreprises dont on parle très peu, en tout cas dans les magazines en ligne dédiés aux entrepreneurs, et de moins en moins dans les journaux papiers, sont pourtant de belles réussites, créent de la valeur, des emplois, permettent à leur dirigeant de se rémunérer rapidement, sont rentables et font bouger les lignes à leur échelle. Certaines participent à la redynamisation de leur village, comme La petite marchande d’histoires, ou de leur quartier comme Persillé, d’autres sensibilisent à l’écologie comme Symbiosphère ou offrent une vraie chance à leurs clients de créer leur job comme Voitures Noires. On les voit peu dans les médias car d’une part elles ne communiquent pas, les fondateurs étant plutôt occupés à chercher un local pour s’installer, faire des travaux, trouver des idées d’animation pour leurs clients, plutôt qu’à faire appel à une agence de com’ pour passer sur BFM Business. Elles misent sur la qualité de leur activité et le bouche à oreilles, com’ avant, un terme qui fait mal aux startupers… Elles ne courent pas non plus les business angels et fonds d’investissement, car elles ne connaissent pas le système et n’ont pas LE réseau pour. Elles ont d’ailleurs investi leurs fonds propres ou ont fait appel au crédit bancaire et quelques aides et subventions par ci par là pour débuter le temps de faire rentrer du chiffre d’affaire. Alors pas de com’, pas de levées de fonds, effectivement ça fait moins rêver les journalistes qui doivent aller à la rencontrer de ces entrepreneurs cachés, au lieu de se contenter de recopier les CP d’annonces de levées mirobolantes. Et puis ça fait moins d’audience aussi. C’est bien dommage, car il y a beaucoup plus à apprendre de quelqu’un qui crée un business sur un marché inconnu jusqu’à lors, comme Femer ou qui s’attaque à plusieurs marchés comme Glazed que d’un étudiant fraichement sorti de l’ESSEC ou HEC qui va créer un service de réservation en ligne de bureaux libres les week-end et la nuit (ce créneau semble encore libre, précipitez-vous !).
Quoiqu’on entende dire régulièrement, créer une startup ce n’est pas mieux que créer un petit commerce, créer une application mobile ce n’est pas plus révolutionnaire que lancer une gamme de cabanes à oiseaux, c’est juste plus fun et plus vendeur actuellement. La startup c’est l’image du jeune qui refuse le système (qui ne trouve pas de job en fait), qui préfère rester chez ses parents pour développer son idée géniale qui va changer la face du monde (qui refuse de devenir adulte en fait), qui travaille avec tous ces potes dans un café coworking sur un sofa fluo avec un Mac tartiné d’autocollants de toutes ses startups favorites, façon “je suis le plus cool de la cour de récré”, manque juste le skate bord et on se croirait revenu au lycée (qui n’est pas encore prêt à affronter le monde du travail en fait) et qui finit par faire un burn out (15h par jour sur son ordi avec des cafés Nespresso et des Fraises Tagada ça use) et part faire un tour de monde pour se recentrer sur lui-même et trouver l’inspiration dans un pays émergent (le paiement mobile, les pouss-pouss, les food truck…). A coté l’entrepreneur qui crée une fabrique de madeleines, des maisons en bois ou du matériel customisé pour les handicapés fait pâle figure…
La mode des startups ne doit pas faire oublier qu’entreprendre, c’est d’abord un choix de vie stimulé par la création d’emplois et de réelle valeur, avant de créer un service qui attirera l’attention sur soi et permettra de lever des fonds. Même si son idée n’est pas innovante et peut sembler ringarde au premier coup d’œil, ou évoluer sur un marché jugé périclitant par les élites de l’économie numérique, il n’y a que celui qui crée qui sait où il va et pourquoi il le fait. Les startups n’en finissent plus d’évincer ces entrepreneurs qui créent de belles entreprises, certes pas innovantes au sens où on l’entend généralement, souvent éloignées du numérique qui fait tant rêver les pouvoirs publics, mais qui ont le mérite d’être palpables, peu consommatrices de cash, rentables et faisant vivre plusieurs personnes au contraire de nombreuses entreprises virtuelles qui vivent de leur levée de fonds à défaut d’avoir un business model, qui n’apportent que peu d’intérêt à leurs utilisateurs et qui ne dureront que le temps d’un feu de paille.