Se reconvertir est aujourd’hui devenu presque une norme à l’heure où les études ne mènent plus forcément au job qu’on voulait, où les parcours de vie sont chaotiques et où la recherche de sens au travail n’est plus une utopie. Pour autant ce n’est pas toujours facile et le chemin qui mène à cette nouvelle vie est semé d’embûches, de remise en questions, de doutes, mais aussi d’euphorie, le sentiment d’être aligné avec ses aspirations et de devenir soi à cet instant donné.
Comment nait l’envie de se reconvertir ?
L’envie d’évoluer dans un nouveau métier peut mettre un moment avant d’émerger. Un licenciement, un manager avec qui le courant ne passe pas, une restructuration de l’entreprise ou l’envie de se mettre à son compte, peuvent être un déclic “lorsque l’an passé, j’ai quitté mon emploi suite à un licenciement économique sans y être préparée je me suis dis qu’à 32 ans c’était peut être le moment de savoir ce que j’avais au fond de moi : qui j’avais réellement envie d’être, comment contribuer à la société et au monde qui m’entoure” explique Madeline Vassaux qui a évolué dans le monde de la communication pendant plusieurs années et depuis crée sa marque de maillots de bain haut de gamme, MADIE. “Nageuse en compétition depuis de nombreuses années, je me suis dis qu’il y avait un créneau pour une ligne de maillots de bain qui suive les femmes d’aujourd’hui : dynamiques, sportives, mais aussi élégantes et glamour” ajoute t-elle.
Parfois c’est tout simplement le job pour lequel on s’est destiné qui déçoit rapidement “c’est après 3 ans d’expérience professionnelle que j’ai cherché à me reconvertir mais l’idée existait depuis le début. Je n’étais dès le départ pas certaine de vouloir travailler dans la construction et même si j’ai apprécié d’en découvrir l’un des métiers, je ne me voyais pas poursuivre. Il me manquait un lien avec l’innovation, les nouvelles technologies mais également la possibilité d’être créative, de travailler sur l’humain” explique I. (qui a préféré rester anonyme). On se fait une image du métier lorsqu’on fait ses études que la pratique peut décevoir, trop de paperasse, pas assez de contacts humains, une hiérarchie pesante, … il faut le vivre pour réaliser que cela ne nous correspond pas. Entre avoir une vocation à 15 ou 18 ans, faire 5 ans d’études et entrer dans la vie active, il se passe une dizaine d’années où la personnalité et les désirs changent. Bien plus vite aujourd’hui que pour les anciennes générations.
Aujourd’hui encore avec le taux de chômage exorbitant, se reconvertir est plus que jamais une nécessité “je ne suis pas certaine que l’on puisse parler “d’envie” dans mon cas, il s’agissait plutôt d’une nécessité, le monde du théâtre ne permet que très rarement de vivre de cette passion du jeu, il m’a donc fallu laisser tout ça de côté pour pouvoir envisager une vie un peu plus “normale” avec des rentrées d’argent régulières” explique Marie Lonjaret, qui était “comédienne, chanteuse, professeur de théâtre et chant” et qui après une “formation de Community Management l’année dernière” a eu un “premier CDD dans le monde du digital en tant que chef de projet chez Demotivateur” et cherche depuis un nouveau job.
Toutes les personnalités ne sont pas forcément faites pour se mettre en danger comme c’est le cas dans une reconversion, il faut être capable d’accepter de redémarrer à zéro – Madeline Vassaux
Faut-il se faire accompagner ?
Une fois que l’envie est là, il faut mettre le projet en place, afin qu’il ne reste pas un doux rêve enfoui. La reconversion peut s’envisager seul(e) en cherchant des informations, reprenant une formation, ou en créant sa boite, mais “aujourd’hui que l’accompagnement est un facteur clé du succès d’une reconversion” précise Garance Yverneau, à la tête d’un cabinet de conseil en reconversion pour les salariées, 5A Conseil. Et ce pour plusieurs raisons : “vous allez identifier des métiers ou des secteurs d’activités que vous n’auriez surement pas identifiés seul(e), vous allez découvrir vos critères indispensables pour être heureux ou heureuse dans votre job en terme de valeurs, d’utilisation de certaines compétences, de votre personnalité, des conditions de travail ou encore de votre rémunération, vous allez pouvoir confronter votre projet avec la réalité du marché et cela va vous aider à structurer votre démarche ” explique Garance. De plus le conseiller est là pour “challenger” le projet et inciter à aller au bout, sans perdre sa motivation et affronter les doutes qui jalonnent indéniablement le parcours de reconversion.
Mais au final peu de “reconvertis” se font accompagner et trouvent eux-mêmes les réponses à leurs questions et la passion pour aller au bout “je n’ai pas été accompagnée pour la création de mon entreprise … mais heureusement Internet est là !” raconte Élodie Courtat, qui était contrôleuse de gestion il y a bien longtemps et a créé Ofildélo, un atelier de robes de mariée sur mesure, en autodidacte, après avoir réalisé sa propre robe de mariée “à la moindre question ou doute, je faisais des recherches sur le net afin de trouver la réponse, j’ai fait appel à mon réseau et pour le reste : travail, persévérance“. Aujourd’hui avec le net tout est possible, beaucoup plus qu’avant où se reconvertir était un parcours du combattant dan lequel peu de personnes s’aventuraient.
Le réseau et l’expérience des autres sont très importants lors d’une démarche de reconversion. Savoir que d’autres sont passés par là rassure et motive pour la suite “j’ai regardé ce que d’autres avaient fait avant moi, puisque beaucoup de conjoints d’expats se retrouvent dans cette même situation. Alors j’ai simplement sondé mes envies, et les tendances… ” nous dit Jenzinha qui est de formation “pharmacienne industrielle spécialisée en marketing et communication” et qui a suivi son “conjoint au Portugal et où la situation économique ne (lui) permettait pas de trouver un emploi dans (son) secteur“. Depuis Jenzinha a écrit un roman et travaille sur un second. “Internet est un outil formidable pour cela” et met la reconversion “à la portée de toute personne qui a de la volonté et qui ne garde pas les deux pieds dans le même sabot” ajoute t-elle.
Il n’y a bien entendu pas d’obligation mais on sait aujourd’hui que l’accompagnement est un facteur clé du succès d’une reconversion – Garance Yverneau
Comment réagit l’entourage ?
Sa famille, ses amis, c’est peut-être finalement le plus difficile dans un parcours de reconversion, car le changement c’est quelque chose qui fait peur et surtout les risques financiers qui vont avec. “Ma famille s’est inquiétée du côté matériel de cette reconversion … mais n’a finalement pas vraiment été étonnée !” annonce sans surprise Élodie, ajoutant que “beaucoup m’ont pris pour une folle de quitter un emploi stable pour un projet …. Beaucoup moins stable !” même si “certains m’ont envié d’avoir « le courage » de sauter le pas“. Voir quelqu’un de son entourage prendre des risques réveille des désirs ou des peurs chez ses interlocuteurs, mais ne laisse jamais indifférent. Quant à la famille, elle s’inquiète souvent de savoir si le loyer sera payé, les enfants auront à manger et si les vacances ne passeront pas à la trappe…
Se reconvertir implique généralement une phase de flottement et de baisse des revenus, soit parce qu’il y a une période de chômage, soit la création d’une entreprise qui met à mal les finances ou encore parce que le nouveau job n’offre pas la rémunération du précédent. Mais qu’est ce que l’argent à côté d’un épanouissement ? “Je préfère être heureuse avec peu qu’être malheureuse sans savoir quoi faire de mon quotidien… ” comme le dit Jenzinha qui après avoir fait 6 ans d’études, doit affronter le regard des autres qui ne la comprennent pas. Certains y “voient un véritable gâchis, parce qu’ils ne comprennent pas que je n’accorde pas plus d’importance que cela au fait de gagner beaucoup d’argent (je ne vis pas pour ça…), et pensent que j’aurais dû laisser ma place à un autre au concours de pharmacie” raconte t-elle, ajoutant que “certains considèrent que je ne fais plus rien de ma vie depuis le jour où je suis sortie de mon secteur de formation…“, ce qui est usant, mais à coté de cela “c’est grâce à ce parcours que je vis aujourd’hui de découvertes, de rencontres et d’émerveillement” et cela vaut tout l’or du monde comme on dit !
Pour d’autres c’est tout le contraire, comme pour Marie qui a quitté le monde du spectacle pour l’économie numérique “mon entourage est soulagé bien évidemment, puisque le milieu du théâtre est tellement incertain et peu imbriqué dans la société, peu encré dans la réalité de la vie, contrairement au digital, qui est sur tous les fronts…“. Tout dépend d’où on vient et où va finalement. Mais se reconvertir c’est pour soi, pas pour les autres qu’on le fait. Avenir incertain ou pas, personne n’a a juger le parcours des autres. “Mon compagnon m’a soutenu et ça a été un énorme plus. Ma famille pas du tout. Ils étaient très inquiets. Pour certains, je faisais une folie, mon originale” indique I. mais elle a su “trouver des personnes qui l’ont soutenue et abandonner ses amis qui la jugent et la sermonne“.
Il faut se lancer. Ce n’est qu’en faisant que l’on saura si ça marche ! – Élodie Courtat
Quelles sont les difficultés et comment se lancer ?
Rencontrer des difficultés c’est presque normal, si c’était facile tout le monde le ferait ! “Avoir peur, douter, ce sont de bons sentiments pour faire avancer un changement de vie. Au moins on se sera posé toutes les questions avant de démarrer une activité ou un nouvel emploi” explique Madeline ajoutant qu’il faut “commencer par travailler sur soi, bien se connaître et savoir au fond ce que l’on souhaite” avant d’entamer ce processus. Il faut aussi “ne pas se précipiter, car une reconversion nécessite un minimum de préparation” selon Garance, “une reconversion prend au minimum 6 mois, mais si votre objectif est bien défini, vous saurez rester motivé“, c’est un choix de vie !
Pour autant “il ne faut pas attendre que le projet soit parfait avant de se lancer… sinon on ne se lance jamais ! Plus de la moitié de ceux qui ont tentés l’aventure de la reconversion sont plus épanouis dans leur vie professionnelle qu’il ne l’était auparavant” nous dit Garance qui voit passer des dizaines de personnes entament une reconversion chaque année. “Une fois la décision prise de se lancer dans une nouvelle vie, je n’avais plus aucun doute” raconte Élodie, “les galères, bien sûr il y en a (régulièrement), mais on les gère une par une et on avance“, comme dans la vie de tous les jours.
Attention tout de même, tout n’est pas rose au pays de la reconversion et il faut gérer les ascenseurs émotionnels qui jalonnent le parcours pendant un bon moment “aujourd’hui je doute encore et je ne suis pas certaine d’avoir vraiment ma place. Je la cherche. Je pense qu’au delà de ce que j’ai déjà fait ma reconversion devrait aller encore plus loin pour me satisfaire” conclue Marie, mais “le travail prend tellement de notre temps, il faut qu’on s’y sente au mieux, il faut qu’on le vive à 100%. Alors je dirais que sans hésitation, il faut foncer. Tout s’apprend !”
Faites ce que votre cœur vous dicte, et non ce que la société aimerait que vous fassiez – Madeline Vassaux
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