Si le burn out lié au travail est bien connu, on devrait aussi parler du burn out de la course au réseau, à être là où il faut, à la notoriété, à être reconnu, à faire parler de soi, à intervenir dans des conférences même si on n’a rien de nouveau à partager avec l’auditoire (de toutes façons il y a tellement d’events que tous ceux qui veulent devenir des “experts” ont leurs chances…), à donner une image bien lisse de qui on est, de toujours montrer le bon côté de son job, d’affirmer qu’être entrepreneur c’est le rêve, etc…
C’est une course folle dans laquelle beaucoup sont engagés au risque de se perdre, de ne plus savoir qui ils sont vraiment, de ne plus avoir de vie privée et d’être seul. Combien de fois entend t-on ces startupers dirent que tous leurs déjeuners sont dédiés au réseau, que toutes leurs soirées ce sont des events networking, que tous leurs amis sont des entrepreneurs, que chacun peut lui être utile à un moment ou un autre, qu’ils sont célibataires car ils sont focalisés à 200% sur le développement de leur boite et de leur image, qu’ils ne font pas de sport, ne lisent pas, ne sortent pas, ont délaissé leurs potes qui eux sont devenus vendeur chez Zara ou infirmière à l’AP-HP car “ils n’ont plus rien en commun”, ne rendent visite à leur famille que lorsque leur frigo est vide ou le soir de noël par obligation… Tous les jours on entend ce discours ! C’est triste, voire pathétique.
Être entrepreneur c’est formidable, mais doit-on devenir quelqu’un d’autre pour autant ? Celui qui ne pense qu’à son image, à être présent partout, à mettre sa vie perso en pause et à développer son réseau ? Devenir une personne fausse qui ne pense qu’à transformer chacune de ses actions en opportunité de business, qui ne sait même plus ce qu’est une vraie amitié dénuée de tout intérêt si ce n’est être ensemble et partager de bons moments ?
En ce moment, avec le développement des events autour des startups, que ce soit des conférences, des salons, des concours, tout le monde veut en être, et quand on nous propose de participer à notre tour, on n’ose pas dire non de peur de passer pour un looser, pour celui qui ne réussira jamais, qui ne sait pas parler de sa boite, qui ne sait pas “se vendre” tout simplement.
On a l’impression que pour réussir, il ne faut pas faire du bon travail, mais se faire connaitre, être partout, faire parler de soi, même si on n’a rien à dire et même si cela ne nous correspond pas du tout. Qu’on soit extraverti ou introverti, qu’on aime ou pas parler en public, qu’on ait envie ou pas de jouer un rôle dans des soirées networking. On n’a pas la choix, il faut suivre le mouvement, on doit aimer tout le monde, ne pas avoir d’ennemis ou de griefs à reprocher à ceux qui comptent car un jour où l’autre ils peuvent nous servir, on ne sait jamais, on doit soigner son personnal branding, on doit donner une image lisse de soi et de son business, on doit être là où on nous attend, on doit être une expert de son domaine…
Alors quand on ne veut pas suivre ces codes on fait comment ? Peut-on encore réussir en restant dans son coin et en faisant juste du bon travail ? Si on en croit la plupart des gens que nous avons interrogés, ce serait impossible… Et pourtant, nous on a envie de relever le défi, de montrer qu’on peut arriver là où on a envie sans devoir être l’ami de tout le monde, sans aller partout où on devrait être pour un média comme le nôtre, sans aller prêcher la bonne parole dans des conférences, sans passer de la pommade à la Frenchtech, au NUMA et à “ceux qui comptent”. Nous on pense qu’on peut faire de Fractale un succès simplement en faisant ce pour quoi on l’a créé : en écrivant des articles de qualité, en les partageant sur nos réseaux sociaux, en écrivant un livre peut-être si on a des vraies choses à dire, pas parce que ça fait bien, en rencontrant seulement les gens qu’on a envie de voir et pas ceux qui veulent nous rencontrer parce qu’on sait jamais ça peut servir, en disant ce qu’on pense sur quoi et qui on veut et surtout, vraiment surtout en n’étant pas présent partout, parce qu’on déteste ça !
Parler en public, faire bonne impression, s’intéresser à tout le monde, donner des conseils comme si on était un modèle de réussite, passer ses soirées avec des gens qu’on ne connait pas plutôt qu’aller à la salle de sport ou au théâtre, se forcer à être ce qu’on n’est pas parce que tout le monde fait ainsi, etc… On dit non et on veut prouver qu’une autre voie est possible et qu’on en a assez qu’on nous dise “tu devrais y aller, ça peut te servir, on sait jamais”, qu’on veut juste être nous-mêmes et avancer pas à pas vers notre réussite, la nôtre. Alors si un jour on nous propose de participer à un vrai truc qui va faire bouger les lignes, là on dira oui, mais en attendant, c’est non, on reste caché derrière notre ordi à vous inspirer et à faire ce qu’on aime : écrire.