Très souvent lorsqu’on lance une boite, on se voit au sommet, disruptant un marché, créant un produit révolutionnaire qui va faire la une des médias et devenir un besoin pour les utilisateurs, et même changer le monde. Un peu comme Apple et son iPhone ou Uber et ses VTC géolocalisés. Mais d’une part n’est pas Steve Jobs ou Travis Kalanick qui veut, et d’autre part, c’est un chemin semé d’embûches pour en arriver là. Personne ne monte une “licorne” en 2 ans malgré ce qu’on peut lire ou entendre ici et là… Inutile de se décourager pour autant, car qui connait l’avenir ? Une petite boite peut devenir grande à force de travail, d’acharnement et de choix stratégiques de la part des fondateurs.
Pourtant nombreux sont ces entrepreneurs qui visent la lune dès le départ sans discernement. Ils ont pour modèle ces startups américaines ou françaises qui lèvent des millions dès leur lancement, qui embauchent des armées de stagiaires pour inonder les réseaux sociaux et les boites mails des journalistes, qui s’ouvrent à l’étranger dès la première année, avec un bureau à Londres, New York, Berlin et Bombay, qui propulsent leurs fondateurs sur le devant de la scène médiatique en quelques mois, incarnant le symbole de la réussite des années 2015. Mais ce qu’ils oublient c’est qu’il s’agit d’une minorité de startups, en France on parle essentiellement de Blablacar, Vente-Privée, Criteo, Meetic, Sigfox, Price Minister. Ce sont toujours les mêmes qui reviennent en boucle, mais on a l’impression que toutes les startups sont promises à cet avenir radieux, qu’il suffit de lever des fonds, rejoindre un accélérateur et travailler beaucoup pour atteindre le même résultat en quelques années. Ce qui est faux, il suffit de lire les vraies interviews de ces entrepreneurs pour comprendre que eux aussi au début, ils ne savaient pas dans quoi ils s’embarquaient, qu’ils ne pensaient pas en arriver là 10/15 ans plus tard et qu’ils ont pas mal galéré pour ne pas lâcher l’affaire.
Lors de la création d’une entreprise, si elle a un bon business model, rapide à se mettre en place, l’apport personnel ou le love money peut suffire à faire décoller la boite, créer un fond de roulement à réinvestir et ainsi de suite jusqu’à atteindre la rentabilité, se payer, créer des emplois, s’ouvrir à l’international, etc… Certes avec 1 million d’euros, on va plus vite, mais si le business model n’est pas là ou si l’idée ne rencontre pas son marché, cela ne fonctionnera pas même avec cette somme. D’où la notion de pivot, propre aux startups ayant échoué et devant vite fait trouver un nouveau business model pour satisfaire les investisseurs qui ne sont pas ravis de voir leur mise partir en fumée !
Mettre en place une petite structure, rentrer de l’argent, tester son marché, ajuster en fonction de la demande, le tout avec quelques milliers d’euros ne fait pas de ces créateurs des sous-entrepreneurs parce qu’ils ne lèvent pas de fonds, ne voient pas grand dès le départ ou ne transforment pas la société. C’est même peut-être eux qui résisteront sur le long terme, investiront, créeront des emplois, et ne subiront pas la dure loi de vie et de mort des startups, pour lesquelles les millions d’euros investis ne garantissent en rien leur avenir et leur succès. Tout est dans l’idée de départ, l’exécution du projet et le fait de garder les pieds sur terre sans céder au chant des sirènes de la publicité massive, des bureaux à prix exorbitants, des pertes abyssales et des équipes délocalisées à San Francisco.
Bien sûr, après quelques années et un business consolidé, il peut être nécessaire de faire entrer des investisseurs au capital ou de fusionner avec une boite complémentaire ou concurrente, pour accélérer sa croissance, s’imposer sur son marché ou aller à international de façon sécurisée. Au delà de l’aspect financier, cette levée peut aussi s’accompagner de savoir-faire, de contacts ou d’expertise nécessaires à l’avenir de l’entreprise. L’ambition reste de mise sur le projet, même sans avoir vu grand dès le départ, une entreprise peut devenir un véritable succès sur le long terme, sans financement démesuré, en avançant pas à pas. Vous ne ferez peut-être pas la une des magazines et ne serez pas invités à raconter votre parcours magique dans des conférences, mais ce qui compte c’est d’arriver là où vous devez être, profiter de chaque instant et faire bouger les choses à votre échelle. Et si cela ne marche pas, vous recommencerez, comme un vrai entrepreneur !
Très bon article, comme d’habitude.
Dans certains cas, on se demande si la motivation n’est pas la recherche du quart d’heure de célébrité comme le décrivait Andy Warhol au lieu du véritable projet économique. On se retrouve dans l’effet Top chef où certains restaurateurs se demandent s’ils ont raté leur carrière parce qu’ils ne passent pas à la télé…
Je suis même certain qu’il y a un effet pervers à la levée de fond médiatisée, les devis des prestataires qui vivent autour de ces startups ont tendance à prendre de l’embonpoint.
Un de mes clients, un jour, a été cité comme Xème entreprise la plus rentable de France (en pourcentage) par la revue Usine Nouvelle. L’effet ne s’est pas fait attendre : appels des clients pour renégocier leurs prix, vu qu’ils “engraissaient” cette entreprise…
Bref, la levée de fond : oui, le battage médiatique : double tranchant.
La question à se poser lors de la communication sur ces levées de fond : l’entreprise va t’elle profiter de cette com, ou seulement l’égo des créateurs….