Il y a quelques jours, nous nous sommes entretenus avec Guy Mamou-Mani, le président du Syntec Numérique, afin de parler à la fois des missions du syndicat et de sa vision de l’avenir du numérique en France :
Qu’est ce que le Syntec Numérique ?
Syntec Informatique, créé en 1970 est devenu Syntec Numérique en 2010, après mon élection. En 5 ans de mandat, le nombre d’adhérents est passé de 1000 à 1500 et s’est ouvert à de nouveaux métiers. Les SSII sont devenues des ESN, Entreprises de Services Numériques, afin de prendre en compte les activités nouvelles des sociétés présentes dans le domaine des services du numérique. Aujourd’hui Syntec Numérique est le 1er syndicat professionnel de l’écosystème numérique français, il représente 80% du chiffre d’affaires du numérique en France et 365 000 salariés (source BIPE-INSEE, 2010, 2011, 2012).
Quelle est la place du Syntec Numérique par rapport aux autres organisations du secteur ?
Syntec Numérique représente tous les métiers du numérique, des startups aux grandes entreprises. Mais aujourd’hui il y a beaucoup trop d’acteurs autour du numérique, ce qui affaiblit le secteur. J’aimerais qu’il y ait un jour une réunion de tous ces représentants qui deviendrait ainsi l’interlocuteur de référence des pouvoirs publics.
Notre vision est que nous devons participer à la transformation numérique de l’économie et à la modernisation de l’État. Cette vision rejoint les intérêts de nos adhérents qui participent activement à ce mouvement.
Pour l’intérêt du secteur, il faudrait pouvoir réunir tous les acteurs du numérique
Quels sont les objectifs de votre mandat ?
Depuis mon élection, j’insiste sur l’attractivité du numérique en France ainsi que sur l’éducation et la formation des jeunes. Plus on formera de jeunes au numérique, plus on allègera les coûts de l’État. C’est sur cet objectif que nous avons créé Talents du Numérique et la commission Femmes du numérique. Nous voulons promouvoir l’apprentissage du code dès l’école primaire et donner l’envie aux jeunes filles de coder.
Notre secteur souffre d’un paradoxe : nous subissons une pénurie de talents alors que le chômage augmente et touche aussi notre secteur. Au-delà de nos actions de sensibilisation auprès de la jeunesse, nous avons donc également mené un certain nombre d’initiatives pour les demandeurs d’emploi, comme le déploiement du dispositif opérationnel à l’Emploi (POE) avec nos entreprises adhérentes, ou encore la signature d’une convention de partenariat avec La Fondation Agissons pour l’emploi qui vise à mieux identifier les besoins en recrutement et proposer des formations pertinentes.
Nous portons aussi les revendications de nos adhérents, notamment sur le crédit d’impôt recherche (CIR), le statut jeune entreprise innovante (JEI), l’accès aux marchés publics pour les PME, nous les aidons à se défendre face aux problèmes de la profession, en cas de besoin.
Les adhérents ont également accès à une série de services via des consultations, des documents type, des experts, et des échanges avec leurs homologues au cours de matinée “social, juridique et fiscal”. Ils bénéficient également de rencontres comme les Syntec Camp, pour faciliter les partenariats technologiques entre grands groupes et startups, et les aider à se développer.
Quel est votre engagement auprès des startups ?
On parle essentiellement de levées de fonds lorsque l’on évoque les startups, mais il s’agit seulement de la partie immergée de l’iceberg. L’objectif est avant tout de faire du business, ce sont des entreprises avec des dirigeants, des risques et des cotisations, qui ne resteront pas des startups toute leur vie. Avec le projet 5000 Startups, nous offrons un accompagnement justement destiné à les faire grandir. Nous intervenons sur des points auxquels les fondateurs n’ont pas forcément pensé tels que l’assurance dirigeant, les contrats de travail, la convention collective de la profession, ou encore la mise en place d’un dispositif CIR.
L’objectif premier quand on crée une startup, c’est de faire du business
Pensez-vous que les startups ont réconcilié les français avec les chefs d’entreprise ?
En effet, le numérique et les startups ont donné une image positive des entrepreneurs. Aujourd’hui tout le monde peut lancer son entreprise sans même avoir fait d’études. Cela donne une vision plus démocratique de l’entreprise. Cela montre qu’on peut encore rêver, avoir de l’espoir en créant sa boite ou en devenant développeur aussi.
Le numérique montre que l’ascenseur social existe encore
Quelle sera la place de l’économie numérique dans la campagne présidentielle de 2017 ?
Dans la campagne 2012, le numérique était inexistant. Les candidats n’avaient alors pas compris ce que les Français attendaient d’eux. Ils ne projetaient pas le pays vers le futur et dans l’avenir. Entre les deux tours nous avions proposé à François Hollande et Nicolas Sarkozy de participer à un débat sur le numérique ; c’est leur conseiller respectif Fleur Pellerin et Nicolas Princen qui s’étaient alors déplacés. L’économie numérique n’était pas au cœur de leurs préoccupations, mais cela devrait changer pour 2017. Le travail initié par Fleur Pellerin et celui d’Emmanuel Macron et d’Axelle Lemaire vont porter leurs fruits ; même François Fillon a présenté son programme numérique au Syntec Numérique.
J’espère qu’il y aura un vrai débat sur le numérique. Ce serait d’ailleurs inconscient que les candidats ne s’approprient pas le numérique dans leur campagne, car le numérique est le vecteur de la transformation du pays. Il faut se poser les grandes questions telles que : comment va-t-on intégrer le numérique dans la société ? Comment adapter les structures pour ce nouveau monde ? Quelle protection sociale pour les nouveaux contrats de travail de l’Uber-économie ?
Le futur président devra porter cette vision, être porteur d’espoir, avoir une vision pour la France dans ce nouveau monde et ne pas avoir peur du futur, car si on a peur de tout on n’avancera pas.
Syntec Numérique sera une force de proposition auprès des partis qui le souhaiteront
Quel avenir pour le numérique ?
Le premier enjeu du numérique est un enjeu citoyen, mais aussi un outil de transformation de la société et une réponse aux problématiques de la France : le chômage (le numérique c’est 12 000 emplois nets créés en 2014), la productivité, l’intégration. Le numérique peut contribuer à résoudre tous ces problèmes si on s’en donne les moyens.