S’il est un dirigeant d’ETI qui cultive toujours autant la passion de l’entrepreneuriat, 13 ans après avoir créé OnePoint, une société de conseil et de services pour entreprises dans le numérique, c’est bien David Layani. One Point compte aujourd’hui plus de 2000 collaborateurs en France (Paris ; Nantes ; Bordeaux ; Toulouse), au Canada, en Chine, en Tunisie, en Europe et aux États-Unis. David participe dès ce lundi au G20 des entrepreneur à Istanbul.
David Layani nous livre ses réflexion sur l’entreprise et le numérique en France :
Pouvez-vous vous présenter, ainsi que vos activités ?
Je suis Président-Fondateur de GROUPE ONEPOINT, que j’ai créé il y a 13 ans. Nous sommes une société de conseil et de services et nous nous sommes positionnés très tôt sur les opportunités et les challenges de la révolution numérique pour les entreprises. L’entreprise d’hier n’est plus celle d’aujourd’hui et le numérique d’aujourd’hui n’est rien à côté de celui de demain. Dans cet environnement en perpétuelle évolution, mon rôle, c’est de garantir une organisation toujours en mouvement. Nous avons beaucoup grandi en quelques années. Nous sommes désormais près de 2000 collaborateurs, en France, mais aussi en Chine, au Canada, en Europe, aux États-Unis, en Tunisie… Malgré ces grands défis, je veux conserver toutes les conditions de l’agilité, de la fluidité et de la mobilisation de nos équipes.
L’entreprise d’hier n’est plus celle d’aujourd’hui et le numérique d’aujourd’hui n’est rien à côté de celui de demain
Quelles sont vos attentes de ce G20 entrepreneurs ?
Le G20 entrepreneurs, c’est d’abord la concrétisation intense de ce monde entrepreneurial agile qui ne se laisse plus freiner par les frontières nationales. Cela serait un honneur de porter la voix de la France au cœur de la richesse des travaux et des rencontres. Et au-delà du développement de nos entreprises, je crois aussi que nous avons la responsabilité de formuler nos propositions et notre vision pour le monde de demain. J’espère que nous allons concrétiser une communauté d’entrepreneurs qui s’impliquent et qui veulent faire une différence.
Quelle est votre vision de cette vague entrepreneuriale actuelle ?
Je crois qu’elle répond à une nouvelle ère de notre rapport au monde et au travail. Cette vague, c’est celle de tous ceux qui ont envie de voir l’impact direct de leurs actions et de leur engagement au travail. C’est celle de ceux qui préfèrent évaluer les risques, et décider pour eux-mêmes. C’est celle de ceux qui sont prêts à sacrifier beaucoup pour avoir plus de liberté. Au-delà des seuls chefs d’entreprise, l’entrepreneuriat se répand partout dans l’entreprise, sous forme d’intrapreneuriat mais aussi lorsque les salariés fondent des communautés d’intérêt complémentaires à leurs activités ou créent des activités en plus de leur emploi.
Selon vous, pourquoi la France compte-t-elle 2/3 de petites entreprises ? Que faudrait t-il faire pour les faire grandir ? Le problème du chômage endémique ne vient-il pas de là ?
Il n’y a probablement pas une explication unique au phénomène de fragmentation du tissu des entreprises et au petit nombre d’ETI, en comparaison avec nos pays voisins comme l’Allemagne ou le Royaume-Uni. Mais il me semble que deux facteurs ont eu un rôle. La législation et les seuils sociaux d’abord. Rationnellement, un chef d’entreprise pourrait choisir de conserver ses effectifs sous le seuil des 50 personnes, pour éviter la déstabilisation des dizaines de nouvelles obligations qui lui seraient imposées au-delà. De ce point de vue, le gel ou le déplacement des seuils pourraient avoir un impact significatif.
L’autre facteur, c’est peut-être ce paradoxe entre la nécessité de réussir et la stigmatisation de l’échec. N’hésitons pas à penser plus grand dès le départ. La France peut produire des champions internationaux. D’ores et déjà, dans de nombreux domaines, elle est en pointe qu’il s’agisse des MedTech, de ville durable, de nouveaux services liés à la transformation numérique…
N’hésitons pas à penser plus grand dès le départ. La France peut produire des champions internationaux
Entreprendre, créer son job ou son entreprise, est il aujourd’hui devenu le seul ascenseur social pour les jeunes ?
C’est certainement une ouverture vers de nouvelles possibilités, en marge des cursus français traditionnels. Si on regarde les Zones Urbaines Sensibles, où la part de la population jeune est très importante, elles connaissent un taux de création d’entreprises deux fois supérieur à la moyenne nationale. Mais je crois que cela témoigne d’une dynamique plus large, une forme de libération de la société. Libération des statuts, des rigidités, de la séparation stricte entre vie personnelle et professionnelle. Créer son entreprise ou son emploi, c’est dire un nouveau rapport au monde, celui de l’engagement et de la recherche du bonheur par soi-même.
L’intrapreneuriat, est-ce une réalité ou en est-on encore aux balbutiements de cette tendance ?
Les deux ! L’intrapreneuriat est une réalité au sein de nombreuses entreprises, les petites comme les grandes. C’est pour moi une réponse aux nouvelles demandes de qualité de vie au travail des salariés. Plus d’autonomie, plus de liberté, plus de contribution concrète à la croissance du groupe. Ce sont des pépites qui échappent un peu à l’entreprise tout en l’enrichissant considérablement. Et nous n’en sommes encore qu’au début de cette évolution. Si de grands groupes ont bien compris l’intérêt de l’intrapreneuriat, je crois que va s’installer durablement cette dialectique, ce dialogue, cet échange entre la vision de la grande structure et l’agilité, l’adaptabilité et le pragmatisme des structures intrapreneuriales.
L’intrapreneuriat est une réponse aux nouvelles demandes de qualité de vie au travail des salariés
Quel rôle doivent jouer les entrepreneurs qui ont réussi tel que vous pour donner l’envie aux jeunes de se lancer ? Que faites-vous, vous pour cela à titre personnel ?
Je crois que les jeunes n’ont besoin de personne pour avoir envie de se lancer… 25% des créateurs d’entreprise sont âgés de moins de 30 ans (APCE – Mars 2015). Le nombre de créations par les jeunes a quasiment triplé en 10 ans. Notre rôle à nous, c’est de les aider à voir grand tout de suite, les amener à appréhender le risque comme une donnée de leur croissance, plutôt que comme un facteur d’angoisse. De mon côté, je m’investis auprès des jeunes. Et là aussi, je crois qu’ils m’apportent au moins autant que je leur apporte ! Dans mon groupe, je veux aussi soutenir l’esprit entrepreneurial et les projets personnels de création d’entreprises.
Les actions actuelles des pouvoirs publics, notamment autour de la tech sont elles utiles ou une opé’ de com’ selon vous ? Label French Tech, Incubateurs de la ville de Paris, délégations sur les events étrangers, visites régulières de startups, etc…
Ces projets réunissent enfin les acteurs de notre nouvel écosystème numérique. Ils portent de la fierté collective, de l’ambition et une dynamique inédites. Ce sont de nouveaux marqueurs visibles du monde de demain. Et autant de tentatives pour faire interagir des sphères qui semblaient perplexes les unes par rapport aux autres, administration et entreprise, la France et l’étranger… Or parmi les nouveaux paradigmes de notre monde, il y a l’empathie, la co-création permanente, l’agilité et la fluidité entre toutes les forces vives. Le rapprochement et la compréhension mutuelle entre les entrepreneurs et l’État me semblent incontournables, à nous tous de transformer l’essai. Car au-delà des discours et des événements, il y a des mesures très concrètes à prendre pour aider les entrepreneurs, ne pas les pénaliser en cas d’échec, …
Le rapprochement et la compréhension mutuelle entre les entrepreneurs et l’Etat me semblent incontournables, à nous tous de transformer l’essai
Les startups réconcilieraient les Français avec l’entreprise, quel est votre avis ?
Déjà, François Mitterrand disait “les Français commencent à comprendre que c’est l’entreprise qui crée la richesse, qui détermine notre niveau de vie et notre place dans la hiérarchie mondiale”. Alors qu’on ne vienne pas faire de procès à Emmanuel Macron. Gauche et droite confondus ont enfin un discours de bon sens vis-à-vis de l’entreprise : difficile de ne pas s’en réjouir, même si les paroles doivent être suivies d’actes ! Du côté des Français en tout cas, la mutation est accomplie. Les Français font davantage confiance aux entreprises pour sortir de la crise qu’à n’importe quel autre acteur de la société. On ne peut plus plaider le désamour comme on pouvait le faire il y a 15 ans.
La France est un terreau de startups, et pas seulement à Paris. Les succès de la FrenchTech participent désormais pleinement d’une nouvelle forme de fierté nationale, dirigée vers les jeunes et les nouvelles technologies. C’est une excellence nouvelle dans un climat ou l’estime de soi et la confiance sont les seuls éléments qui nous permettront de basculer à nouveau dans la croissance et le rayonnement de notre pays.
L’entrepreneur est-il un aventurier des temps modernes ?
Vis-à-vis de la société ou de votre famille, il est de plus en plus valorisant d’être un entrepreneur. La société et le Gouvernement voient tout l’intérêt désormais d’encourager la création d’entreprise. Mais cette évolution ne banalise pas à mes yeux l’aventure. Être entrepreneur, c’est chercher partout des solutions. Être entrepreneur, c’est refuser que l’on vous dise que ce n’est pas possible. Être entrepreneur, c’est s’endormir avec une idée et se réveiller avec deux idées. L’entrepreneur, c’est celui qui par nature est obsédé par la phrase d’Abraham Lincoln : “le meilleur moyen de prédire son avenir, c’est de le créer”.
Les Français font davantage confiance aux entreprises pour sortir de la crise qu’à n’importe quel autre acteur de la société