Bertrand Massanes a fondé Little Buddha, une agence de Brand Design (packaging, communication graphique, identité corporative…) à Barcelone en 2007 après un parcours dans plusieurs grands groupes. Aujourd’hui l’entreprise compte 30 personnes de diverses nationalités et a récemment ouvert un bureau à Oporto et à Cambridge.
Bertrand a fondé son entreprise alors que l’Espagne était frappée de plein fouet par la crise économique. Pourtant, c’est la crise qui permettra à la jeune agence de se faire connaitre, car les marques choisissent de réagir et repositionner certaines de leurs gammes dans un souci de différenciation. Dans ce contexte, certaines remettent en question leur collaboration avec leur agence de toujours et se tournent vers des outsiders. C’est l’opportunité de Little Buddha, qui la saisit et, forte des talents croisés de son équipe de designers et d’experts en marketing, remporte peu à peu de nouveaux clients et gagne en légitimité année après année, jusqu’à aujourd’hui travailler avec de nombreuses marques espagnoles et internationales grâce à l’équipe multiculturelle attirée par la qualité de vie de Barcelone qui sait prendre en compte les spécificités propres à chaque pays et s’adapter aux divers marchés.
Bertrand a répondu à nos questions :
Pouvez-vous nous en dire plus sur votre entreprise ?
J’ai fondé Little Buddha fin 2006 après un parcours au sein de grandes entreprises qui m’ont bien formé : Danone, puis Reckitt Benckiser et Havas. Ce parcours, je l’avais essentiellement mené à l’étranger : Paris puis Londres et enfin Barcelone.
C’est alors que j’ai voulu me lancer dans l’aventure entrepreneuriale en créant une agence de Brand Design : packaging, communication graphique, identité corporative… Little Buddha – c’est son nom- est née de ma frustration, en tant que client, face à l’incompréhension des problématiques « business » des agences de design traditionnelles auxquelles je faisais appel lorsque j’étais client. J’avais envie d’offrir une véritable vision marketing alliée à des designers de talents afin de permettre aux clients d’atteindre leurs objectifs – des objectifs de vente, à travers un design de qualité : esthétique, mais surtout efficace.
J’avais envie d’offrir une véritable vision marketing alliée à des designers de talents
Pourquoi Barcelone ? Qu’est-ce qui vous a attiré ?
Barcelone est une ville dotée d’atouts incontestables : il y fait bon vivre grâce à la douceur du climat, la proximité de la mer, la gastronomie… Grâce à cela, elle est très attractive et multiculturelle, ce qui permet de faire venir des talents du monde entier. C’est en outre une ville très à la pointe sur le plan du design, véritable vivier de talents locaux et internationaux.
Barcelone est une ville très à la pointe sur le plan du design, véritable vivier de talents locaux et internationaux
Comment se sont passés vos débuts ? Aurait-ce été plus facile en France ?
Pour savoir si cela aurait été plus facile en France, je dois avouer que c’est difficile à dire. Sans doute non, mais c’est lié au fait que j’avais déjà passé 10 ans en Espagne et donc pu tisser de nombreux liens. C’est d’ailleurs en partie grâce à mon réseau professionnel que j’ai pu accéder à beaucoup d’entreprises et ainsi trouver mes premiers clients. De plus, mon expérience à des fonctions de marketing dans ces trois grosses entreprises (Danone, Reckitt, Havas) me donne une certaine crédibilité et m’a donc ouvert des portes auprès d’inconnus.
Ensuite, pour me faire connaître, j’ai rédigé un petit livre faisant un parallèle entre le bouddhisme et le marketing : cela a retenu l’attention des cadres de marketing qui ont reconnu un discours stratégique éloigné de celui « esthétique » des agences de design.
Pourquoi avez-vous quitté la France ?
J’adore la France, mais j’ai toujours eu l’envie de découvrir d’autres pays. Peut-être que cela est lié à mon enfance déjà expatriée, et le contact avec une culture différente. Je pense que c’est aussi dû à mon désir d’être constamment stimulé sur le plan intellectuel : s’expatrier, c’est sortir de sa zone de confort, c’est un défi permanent. À titre personnel, ce sont aussi des circonstances dans ma vie familiale qui m’ont poussé à rester à Barcelone.
S’expatrier, c’est sortir de sa zone de confort, c’est un défi permanent
Qu’y a-t-il de plus et de moins à Barcelone par rapport à la France ?
De plus : la mer, le soleil ! Surtout, les démarches administratives pour créer une entreprise y sont très simples. Il n’y a pas non plus cette stigmatisation de la réussite financière qu’on ressent parfois en France. Cependant, la France continue de me fasciner par la richesse de sa vie culturelle (notamment à Paris) , et l’ouverture sociale qui me manquent ici.
A Barcelone, il n’y a pas cette stigmatisation de la réussite financière qu’on ressent parfois en France
Que vous manque-t-il de la France ?
La richesse culturelle française me manque, mais plus profondément ce sont les Français qui me manquent ! J’ai découvert au fil des années une proximité que je n’imaginais pas – à titre personnel – avec les Français. Même si j’ai passé plus de la moitié de ma vie à l’étranger et que je suis tombé sous le charme de Barcelone, j’ai l’impression de partager beaucoup avec eux – des valeurs, des idéaux. À chacun de mes voyages en France, je suis agréablement surpris par l’ouverture sociale, le nombre des opportunités de rencontres qui s’offrent à moi.
À chacun de mes voyages en France, je suis agréablement surpris par l’ouverture sociale
Comment percevez-vous la France depuis Barcelone ?
Honnêtement, je reste assez critique à ce sujet ! Je remarque, en écoutant le discours de mes amis français, qu’il y a une nouvelle génération de jeunes ambitieux et bien formés dans les écoles françaises désireux de créer leur entreprise. Cependant, le système administratif français me paraît lourd et compliqué, les aides aux entreprises semblent changer tout le temps, le taux d’imposition sur les sociétés y est très élevé…
Selon vous, la vague de l’entrepreneuriat en France a-t-elle un avenir, est-elle une mode, ces entreprises ont-elles vraiment les moyens de devenir grandes ?
Je pense que l’État ne fait pas assez pour leur permettre de se développer, et c’est bien pour ça que, à partir d’une taille critique, les start-ups se font racheter par des grands groupes internationaux, ou partent s’implanter à l’étranger.
Néanmoins, le marché français reste attractif et la France est le siège de grands groupes, c’est pour cela que je réfléchis en ce moment à créer une filiale de Little Buddha à Paris, et nous avons une antenne qui démarre au Portugal et au Royaume-Uni.
Quelles est l’ambiance entrepreneuriale à Barcelone ?
Je ne suis pas assez l’actualité pour vous répondre de manière générale mais à travers mon expérience je dois avouer que je n’ai pas réussi à obtenir le moindre soutien des diverses entités publiques, il existe il est vrai de nombreuses plateformes (comme Barcelona Activa/ Barcelona Centre de Diseny…) mais je ne suis jamais arrivé à obtenir d’aide de leur part. Sur ce plan-là, l’Espagne, aussi bien que la France, ont encore du chemin à faire, comparé aux États-Unis par exemple…
A Barcelone, je n’ai pas réussi à obtenir le moindre soutien des diverses entités publiques
Quelques conseils pour un français qui voudrait rejoindre Barcelone ?
L’avion reste le moyen le plus simple pour venir… Non je plaisante, mon conseil serait : n’ayez pas peur ! C’est bien plus facile qu’on ne l’imagine, surtout au sein de l’Union Européenne. Si vous en avez l’envie, il faut se lancer, c’est une expérience extrêmement enrichissante.
Si vous en avez l’envie, il faut se lancer, c’est une expérience extrêmement enrichissante