Partir vivre aux USA, beaucoup de français en rêvent. Bercés depuis le plus jeune âge et depuis toujours par les séries, les films, la musique, les success stories, vantant une vie facile, où tout est possible, où chacun a sa chance, où tout le monde est jugé sur ses actes et non son pedigree, nombreux sont nos compatriotes, à vouloir un jour tenter leur chance au pays de l’Oncle Sam. Encore plus depuis l’avènement du numérique et des startups, qui laisse entrevoir que chacun pourrait un jour ouvrir un bureau à Palo Alto.
Certains l’ont fait, on en a déjà parlé dans de nombreux articles, notamment dans la tech à New York et dans la Silicon Valley, et d’autres, à l’image de Sylvain Perret ont fait le choix de rejoindre la Floride avec son épouse et ses trois enfants pour le challenge, la qualité de vie et de belles aventures. Il a depuis fondé Objectif USA, une société qui accompagne les français à s’installer aux États-Unis dans leur démarches.
Nous l’avons interrogé sur ses activités, sa vie outre-atlantique et son regard qu’il porte sur la France et les français depuis Orlando :
Quel est le parcours qui vous a mené jusqu’à Orlando ?
Dans les années 2000, années Bush, j’étais comme beaucoup de Français à l’époque, un anti-américain primaire avec plein de certitudes. J’étais directeur de banque en Rhônes-Alpes avec des perspectives plutôt bonnes (je pense) au sein du groupe CM-CIC. En 2007, j’ai eu l’opportunité de partir 3 ans en Guadeloupe pour y développer les agences du Crédit Mutuel. La Guadeloupe, c’est sympa, mais c’est petit. Aussi, pour les vacances, nous avons décidé de découvrir la Floride à seulement 3h d’avion. C’était novembre 2008… plus précisément le 4 novembre 2008 et l’arrivée de Barack Obama, un contexte passionnant. Pour ce voyage, j’avais aussi un but professionnel, valider la pertinence des investissements de mes clients qui achetaient des maisons dans la zone d’Orlando : on était encore en pleine crise des subprimes. Nous avons adoré la Floride, nous y avons rencontré des gens charmants et passionnants via l’Alliance Française et… nous y avons fait un investissement immobilier, car nous avions été convaincus de l’opportunité historique (le marché immobilier avait baissé de 50%). Petit à petit, l’idée de rentrer en France en 2010 nous semblait difficile: reprendre nos vies où nous les avions laissées 3 ans plus tôt, continuer une carrière bancaire… euh… passionnante…
Le déclic a eu lieu lors d’un deuxième voyage aux USA et lors de la rencontre d’une jeune avocate en immigration, originaire de Nantes qui nous a expliqué le visa E2 et les possibilités de s’installer aux USA. Comme mon épouse avait racheté une affaire en Guadeloupe dans le domaine import-export, nous avons décidé de faire le grand saut et nous avons créé une entreprise en Floride d’import/export de produits européens et revente au détail, en gros et en ligne.
En parallèle, j’ai créé Objectif USA qui est une société de consulting en matière d’immigration aux USA, de rédaction de business plans et qui est aussi business broker, c’est à dire intermédiaire en revente d’entreprises dument licenciée en France et en Floride.
Le déclic a eu lieu lors d’un deuxième voyage aux USA et lors de la rencontre d’une jeune avocate en immigration, qui nous a expliqué le visa E2
Qu’est ce que tu ne pourrais plus abandonner des USA ?
Je précise d’abord qu’il est impossible de généraliser en parlant des USA. Je peux parler de la Floride, voire d’Orlando. Ma réalité est loin d’être une généralité.
Ce qui me vient à l’esprit, c’est la facilité du quotidien. On dit que les Américains sont pragmatiques : c’est vrai au quotidien, on ne se prend pas la tête. Tout est ouvert 24/24h, on ne rajoute pas 15000 questionnaires inutiles à une question simple, les gens disent « oui » ou « non », rarement « peut être ». Les relations humaines sans être profondes sont toujours cordiales, le ton ne monte jamais : le contraire du comportement latin.
Ce qui m’a décidé à venir et me fera rester : le système scolaire. On est beaucoup moins dans le savoir livresque, mais plus dans l’apprentissage de l’audace, de l’initiative, de l’expression. Quand je suis les évolutions scolaires de mes enfants (j’ai un fils en elementary school, une fille en middle school et une fille en high school), je rêve d’avoir eu une école comme cela quand j’étais gamin, où les personnalités peuvent s’exprimer. On sent vraiment ici que chacun a sa chance, ce n’est pas un mythe. Il y a des classes de niveaux, ça fait hurler en France : moi, j’adore cela que mes enfants qui se défoncent y gagnent quelque chose et aient les meilleurs profs, les meilleurs programmes. Je précise que mes enfants sont dans le système scolaire public.
Je suis entrepreneur et je l’ai été aussi en France. C’est le jour et la nuit du point de vue administratif. Le temps de déclaration de ci, de ça … est réduit de 90%. Je pourrais rentrer dans le détail, mais vraiment, c’est un autre monde. Mes clients entrepreneurs, lorsqu’ils débarquent me demandent souvent : « et ça, on le déclare où ? » ou bien « et ça, on obtient l’autorisation comment », « et ça, c’est taxé à combien ». Ben, tu n’as pas à déclarer, pas besoin d’autorisation pour ça… ben, ce n’est pas taxé…
On sent vraiment ici que chacun a sa chance, ce n’est pas un mythe
Comment voyez-vous la France depuis la Floride ?
La France, du point de vue politique ou économique, pour la généralité des Américains, existe peu. L’Europe existe, la Russie, la Chine… Mais la France est plus petite que le Texas et c’est un fait que peu d’Américains savent la situer sur une carte, mais savez-vous placer l’Idaho sur une carte ? Par contre, du point de vue voyage ou du point de vue romantique, la France a un capital sympathie énorme. Beaucoup rêvent d’y aller un jour, un peu un fantasme en fait.
La France, du point de vue des Français émigrés (je n’aime pas le terme expatrié), est la mère patrie et en même temps la cible de toutes les railleries. Le France bashing a de l’avenir malheureusement. Mais il faut dire que, souvent, nous ne faisons que nous renforcer dans notre choix de l’avoir quittée. Pour ne pas avoir de regrets, on se fait un monde des défauts français. Il faut aussi dire que la réalité quotidienne est tellement différente qu’après 5 ans, en fait, je ne comprends plus un certain nombre de propos parce que mon référentiel a tellement changé. Un concept comme la laïcité par exemple parait évident en France, ici, on cite Dieu en permanence et cela ne me choque plus du tout.
La France, du point de vue des Français émigrés, est la mère patrie et en même temps la cible de toutes les railleries
La French Tech cela représente quoi pour vous ?
Je ne suis pas vraiment impliqué dans ce domaine. J’y ai des amis et je suis un geek assumé, mais j’ai peu de recul. J’ai suivi les tribulations des Français au CES et c’est une bonne initiative. Un seul petit coup de griffe : je trouve dommage que des choses présentées régulièrement comme innovantes en France soient en fait des copy cat de ce qui se fait ici.
Concernant la qualité des ingénieurs, codeurs … français : les écoles françaises ont une excellente cote. Il y a un problème actuellement aux USA : les meilleures écoles techniques (MIT…) sont devenues tellement chères que ce ne sont pas les meilleurs qui y vont, mais les plus riches. Aussi, les écoles françaises étant très sélectives et peu onéreuses (en comparaison), les Français ont la cote. Le visa H1B est l’une des solutions pour ces spécialistes s’ils veulent venir ici. L’initiative Techmeabroad est excellente par exemple.
Les meilleures écoles techniques (MIT…) sont devenues tellement chères que ce ne sont pas les meilleurs qui y vont, mais les plus riches
Que pensez-vous d’initiatives comme #ReviensLeon ?
Je n’aime pas. Les personnes concernées reviendront en France si elles le souhaitent, pas par patriotisme, mais parce que leur parcours les y ramènera. Cette campagne avait un petit air de « je te donne mauvaise conscience ». Par contre, il faut faire en sorte d’attirer les talents étrangers et de motiver les talents du pays à rester en valorisant plus la réussite, en mettant en avant les gens extraordinaires. Qui connait par exemple Bertin Nahoum de Medtech ? C’est un Français connu beaucoup plus à l’étranger qu’en France alors que c’est un génie comparé par la presse US à Steve Job ou Bill Gates…
Il faut faire en sorte d’attirer les talents étrangers et de motiver les talents du pays à rester en valorisant plus la réussite, en mettant en avant les gens extraordinaires
Quelques conseils pour venir vivre aux USA ?
J’ai écrit récemment un article un peu provocateur sur le sujet : les 11 astuces pour rater son immigration. Le visa type de l’entrepreneur est le visa E2 qui permet de rester 5 ans (renouvelable) en créant ou rachetant une entreprise aux USA : c’est le cœur de métier de Objectif USA.
L’expérience m’a montré que pour maximiser ses chances de réussite, mieux vaut :
– connaitre le domaine dans lequel on se lance : on ne s’improvise pas restaurateur par exemple,
– consulter, recouper les informations, bien s’entourer,
– ne pas sous-estimer les difficultés, il y a un passage à vide où la famille, les amis, le fromage, la charcuterie, ça manque,
– avoir une réserve financière : il y a toujours des surprises,
– émigrer aux usa est un projet familial le cas échéant, tout le monde doit avoir un plan : conjoint, enfants… J’ai vu malheureusement plusieurs séparations suite à des projets mal vécus…
Paradoxalement, par moment, avoir été entrepreneur en France auparavant peut être un handicap car on part avec des idées préconçues en se disant « Ça doit fonctionner de la même façon ». Or, il vaut mieux tout remettre en cause. Par exemple, signer un bail commercial aux USA en se croyant protégé par la loi comme en France est une grossière erreur. Dans ce cas précis, la loi ne protège pas le locataire, seul le contrat fait foi donc mieux vaut savoir le négocier.
Pour conclure, partir vivre aux USA, c’est un projet de vie, c’est un challenge et rarement une fuite (fiscale ou autre). Quand l’envie est là (et les moyens), il ne faut pas hésiter pour ne pas se retrouver un jour à dire “j’aurais du”…
Partir vivre aux USA, c’est un projet de vie, c’est un challenge et rarement une fuite
Bonjour Peggy,
Suite à l’article sur Fractale dont je te remercie, j’ai été beaucoup questionné sur ma phrase “l’envie (et les moyens)”. Comme vous l’avez lu, je ne pratique ni la langue de bois, ni l’angélisme, ni le catastrophisme d’ailleurs. Lorsque vous arrivez aux USA, vous n’avez ni credit score, ni tax return (avis d’imposition), ni fiche de paye… on ne vous connait pas donc on ne vous fait pas crédit. Or, il faudra acheter un véhicule, l’assurer, se loger avec un dépot de caution majoré car pas de credit score…
Surtout, vous n’aurez pas d’assurance santé (la sécu française, oui, mais il faudra faire l’avance des soins et ça va très vite). Bref, il ne faut se trouver à court de cash. C’est pourquoi je conseille tout le temps d’avoir une réserve de cash. Pour une personne seule, mini 10.000 $, pour une famille 20.000$. Il est certainement possible de faire avec moins mais je suis d’un naturel très prudent et lorsque nous sommes arrivés dans ce pays avec nos 3 enfants, nous avons eu un problème de santé important dans les 15 premiers jours (ça s’appelle la poisse).
Mon but, lorsque j’accompagne quelqu’un dans ses projets, c’est qu’il soit conscient de tout, les plus et aussi les moins. Ceci étant dit, le jeu en vaut la chandelle alors “FONCEZ !” mais “FONCEZ PREPARES !”.