Le statut d’autoentrepreneur est apparu en janvier 2009 et depuis son succès ne se dément pas puisque encore une fois plus d’une entreprise sur deux créées en 2014 l’a été sous statut autoentrepreneur ou plutôt microentreprise.
Si ce statut juridique est bien un succès avec plus d’un million d’entreprises en activité, qu’en est t-il des chiffres et de la réalité ? Peut-on vraiment en vivre ? Est-ce une activité d’appoint en complément d’un salaire ? Ou une étape dans la création d’une SARL ou SAS pour tester son marché ?
Si l’on en croit le Sondage OpinionWay pour l’Union des Auto-Entrepreneurs et la Fondation Le Roch-Les Mousquetaires réalisé sur un Échantillon de 1005 créateurs d’auto-entreprise,représentatif des auto-entreprises créées il y a plus de 6 mois, paru en novembre 2014, ce statut est très satisfaisant pour 91% d’entre eux.
55% d’entre eux ont pour objectif de se dégager un salaire minimum au moins égal au SMIC et les 45% restants que leur affaire progresse.
51% d’entre eux arrêteraient leur activité si les avantages de ce statut disparaissaient. 54% en ont fait leur activité principale ou seule activité.
L’âge moyen des auto-entrepreneurs est 51 ans et ce sont pour 59% d’entre eux des hommes, avec un taux plus élevé dans le sud-est de la France et la région parisienne.
Le secteur économique le plus représenté est le commerce, des chiffres qui ne sont certainement pas étranger au boom du ecommerce de ces dernières années, suivi par les services aux particuliers et le BTP.
Pour en savoir plus, nous avons interrogé 2 autoentrepreneuses qui nous ont donné leur avis quant à ce statut : Eve Gallois, qui a plusieurs activités (confection textile, vente d’objets de décoration, assistanat administratif et coaching d’autoentrepreneurs), ainsi que Morgane Sifantus, fondatrice de Mo’ Pour Mots qui propose des services en création éditoriale.
Commençons par Eve qui a opté pour le statut d’autoentrepreneur dès sa création en 2009, et qui est depuis passée en SARL :
Pourquoi as tu choisi le statut d’autoentrepreneur ?
En 2009, c’était la nouveauté. Cela me permettait de gagner ma vie sans m’engager à payer un forfait RSI qui, même avec des aides comme l’ACCRE, tue une bonne partie des entrepreneurs dans les 3 première années. Je n’avais pas d’épée de Damoclès au-dessus de la tête, je pouvais travailler pour plusieurs entités, sans limite de temps, et surtout j’étais moins chère de 19,6% pour les particuliers.
Pourquoi as tu changé de statut depuis ?
En 2011, je suis passée à la SARL unipersonnelle parce que le taux « Artisanat 12% » n’avait pas été créé, et qu’il n’était pas rentable de faire de la fabrication (avec achat de matière première) en étant taxée comme « Services » à plus de 20%. Il était donc nécessaire pour moi de pouvoir déduire mes charges. De plus, si l’autoentrepreneur affiche son statut, il est souvent mal considéré par les « vraies » entreprises.
Si l’autoentrepreneur affiche son statut, il est souvent mal considéré par les « vraies » entreprises
Arrivais tu à te payer avec ce statut ?
En autoentrepreneur, c’était le bonheur ! A 25 ans, j’avais droit à l’ACCRE, j’arrivais donc à une rentrée nette de l’ordre de 93% la première année, n’ayant aucune charge. Je facturais à mes clients un taux horaire de 15€, soit à peine plus que le SMIC brut incluant les charges patronales. Je gagnais plus en net horaire que certains amis ingénieurs. Bien sûr, je calculais mes rentrées pour ne pas dépasser une part sociale (26500€) et conserver l’option du Prélèvement Libératoire (1,2% d’impôts sur le revenu au lieu de 14%).
En autoentrepreneur, c’était le bonheur !
Ta rémunération te suffisait elle pour vivre ou était ce un plus ?
J’étais autoentrepreneur comme on est salarié. Pendant 3 ans, j’ai gagné plus qu’en étant salariée, pour 30h/semaine. en moyenne au lieu de 40. J’avais aussi droit aux différentes allocations (APL, chômage). J’épargnais près de 800€ par mois !
Penses-tu que ce statut est une transition, un appoint ou une solution durable ?
Les trois. C’est un moyen de se lancer sans risque pour tester son idée. C’est une opportunité pour faire légalement ce que l’on payait sous le manteau avant. Tout dépend de l’activité. Dans les services, nous sommes totalement dépendants de la demande et de la clientèle, mais aussi de nos propres limites (maladie, congés…). Le fait de savoir que l’on n’est pas obligé de travailler (parce que charges obligatoires etc.) permet une sérénité incroyable, et une liberté que je n’ai jamais rencontrée ailleurs.
C’est une opportunité pour faire légalement ce que l’on payait sous le manteau avant
Aurais-tu créé ton activité sans ce statut ?
Jamais. Quand on est jeune, on doute. Là, je pouvais retourner au salariat à tout moment si j’avais la bonne opportunité, ou si le manque se faisait sentir.
Depuis que tu es passée en SARL, qu’est ce que cela a changé ?
Je suis prise plus au sérieux par les grandes entreprises mais avec la TVA, je suis devenue trop chère pour certains de mes clients. Et j’ai aussi fait une demande de RSA complémentaire, parce que je ne peux pas me verser de salaire (ou « indemnités de gérance », car je ne suis pas salariée de mon entreprise).
Les charges sociales minimum des 3 premières années sont basées sur une estimation forfaitaire, et elles sont obligatoires que l’on gagne 10€ ou 100 000€. De plus, les indemnités sont maintenant taxées au même niveau qu’un salaire classique ; je gagne donc 20% (la TVA) de moins que n’importe quel salarié classique.
Je suis prise plus au sérieux par les grandes entreprises mais avec la TVA, je suis devenue trop chère pour certains de mes clients
Regrettes-tu ce statut d’autoentrepreneur et pourquoi ?
A l’époque, je n’avais pas d’autre possibilité pour continuer dans une activité artisanale, mais oui, je regrette que l’opportunité n’ait pas existé. A 25 ans, même sans les aides sociales, j’étais indépendante financièrement ; aujourd’hui, à presque 30 ans, je suis juste « une indépendante » et je survis avec mes économies et un chèque de mes grand-parents.
Quels sont selon toi les points positifs et négatifs de ce statut ?
A l’origine, ce statut était très bien pensé : donner l’opportunité de travailler à des gens qui en ont envie, même en-dehors du salariat. Aujourd’hui, avec l’augmentation des taxes, il n’a plus vraiment d’intérêt à part en appoint. Si je voulais faire appel à quelqu’un pour m’aider aujourd’hui, il serait (malheureusement) plus rentable d’embaucher au SMIC à temps partiel que de faire travailler un AE.
Aujourd’hui, avec l’augmentation des taxes, le statut d’autoentrepreneur n’a plus vraiment d’intérêt à part en appoint
Continuons avec Morgane :
Pourquoi as tu choisi le statut d’autoentrepreneur ?
Pour sa simplicité (quelques clics sur internet) et les charges modérées (25% du CA) même si je ne peux pas déduire mes dépenses
As tu changé de statut depuis ou penses tu en changer ?
J’ai réfléchi avec mon expert-comptable à un changement mais pour l’instant, je n’ai pas un CA assez élevé pour que ça soit intéressant pour moi. J’ai envisagé l’EI classique et le SASU. Régulièrement, je fais un point et n’hésiterai à changer si besoin
Arrives tu à te payer avec ce statut ? Ta rémunération te suffit elle pour vivre ou est ce un plus ?
Oui, je me paye chaque mois. Je propose des prestations intellectuelles donc mes investissements sont très limités. Depuis 3 ans, je me paye en moyenne l’équivalent d’un SMIC (environ 900€ nets), sachant que je travaille pour mon entreprise en équivalent mi-temps. Cette rémunération me suffit car j’avais fait beaucoup d’économies lorsque j’étais cadre, pour justement gagner cette liberté. Ce n’est pas un « plus », c’est mon quotidien
Depuis 3 ans, je me paye en moyenne l’équivalent d’un SMIC (environ 900€ nets)
Penses-tu que ce statut est une transition, un appoint ou une solution durable ?
En ce qui me concerne, c’est une « transition durable ». Tant qu’il m’est le plus favorable, je le garde.
Tant qu’il m’est le plus favorable, je le garde
Aurais-tu créé ton activité sans ce statut ?
Oui, mais j’aurais peut-être mis plus longtemps pour sauter le pas.
Quels sont selon toi les points positifs et négatifs de ce statut ?
Positifs : simple, « pas cher », peu de contraintes administratives
Négatif : peu protecteur (retraite, santé, formation… mieux vaut prévoir par ailleurs!), mauvaise image (perso, je ne dis pas que je suis AE, sauf si on me pose la question ce qui arrive maintenant très rarement.
Avec ces 2 témoignages on se rend compte que le statut d’autoentrepreneur est assez favorable pour qui veut travailler à son rythme et conserver sa liberté ou en job d’appoint, mais il ne faut pas s’attendre à avoir un bon salaire, même s’il est possible de cumuler des aides. On réalise aussi que le passage au statut de SARL n’est pas tout rose et que si l’ont veut vivre correctement il faut vite exploser son CA !